FAQ : mesures pour favoriser l’accès des PME aux marchés publics
Une loi du 22 décembre 2023 (M.B., 8.1.2024) a modifié la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, en ce qui concerne l’accès des PME. Le versement d’avances aux adjudicataires et l’octroi d’indemnités de soumission aux soumissionnaires sont ainsi devenus obligatoires, sous certaines conditions (v. notre actualité du 8 janvier 2024).
Ces nouvelles mesures, traduites dans des textes légaux imprécis et insuffisants – c’est un euphémisme ! –, suscitent de très nombreuses questions de la part des pouvoirs adjudicateurs locaux. Nous vous proposons une foire aux questions les regroupant. Certaines reçoivent des réponses fondées sur les textes et, le cas échéant, notre interprétation de ceux-ci ; d’autres ne peuvent recevoir qu’une réponse nuancée, voire ne reçoivent pas de réponse du tout, compte tenu des lacunes des textes légaux.
Cette FAQ est susceptible d’être mise à jour, sur la base des nouvelles questions posées par nos membres, des échanges avec les autres niveaux de pouvoirs et autres adjudicateurs, en particulier dans le cadre des travaux des commissions fédérale (au sein de laquelle nous avons déjà fait part de notre mécontentement) et wallonne des marchés publics et enfin de la jurisprudence, qu’elle émane du Conseil d’état, des autorités de tutelle ou des juridictions de l’ordre judiciaire.
Les questions fréquemment posées en la matière ont également été soumises à la Commission fédérale des marchés publics. Beaucoup n’ont pas pu recevoir de réponses, tant les avis divergent, en raison principalement des lacunes des textes. Vous trouverez néanmoins tout en bas de cette publication les réponses apportées à certaines d’entre elles, lorsqu’un consensus a pu être atteint.
Table des matières
- Avances
- Qui est concerné par l’obligation de verser des avances?
- Les sociétés de logement de service public sont-elles concernées?
- Quels sont les cas d’avance obligatoire?
- Les documents du marché doivent-ils nécessairement prévoir des dispositions relatives aux avances?
- Le pouvoir adjudicateur a-t-il l’obligation de payer d’initiative l’avance?
- L’adjudicataire dispose-t-il d’un délai pour introduire sa demande d’avance?
- Comment interprète-t-on la notion de PME?
- Quand et comment vérifie-t-on le statut de PME?
- Comment appliquer les règles en cas d’accord-cadre?
- Comment calcule-t-on le montant de l’avance?
- Existe-t-il des exceptions à l’obligation de verser une avance?
- Qu’entend-on par "marché public portant à la fois sur le financement et l’exécution de travaux ainsi que, le cas échéant, sur toute prestation de services relative à ceux-ci"?
- Qu’entend-on par "marchés publics dont le paiement est effectué sur la base d'une consommation périodique"?
- Comment comprendre l’exception "marché public dont le délai d'exécution est plus court que deux mois"?
- Les documents du marché peuvent-ils conditionner la recevabilité de la demande de versement de l’avance, outre aux conditions prévues par la loi, également à la preuve de la constitution du cautionnement et de la conclusion des contrats d’assurances requis par les RGE et le pouvoir adjudicateur?
- La loi prévoit que l’avance "est imputée sur les montants dus à l'adjudicataire, selon le rythme et les modalités prévus dans les documents du marché". Serait-il permis d’imputer la totalité de l'avance à l’occasion du premier paiement à l’adjudicataire?
- Quel est le délai de paiement des avances? Les conditions générales de paiement sont-elles applicables aux paiements des avances?
- Quelles sont les obligations de reporting pesant sur les pouvoirs adjudicateurs?
- Indemnités de soumission
- Dans quels cas une indemnité de soumission doit-elle être prévue?
- Les indemnités de soumission sont-elles obligatoires en cas de marchés de faible montant?
- L’indemnité de soumission, due notamment lorsque les soumissionnaires sont tenus de déposer l’un ou l’autre échantillon avec leur offre, est-elle obligatoire lorsque les échantillons sont restitués aux soumissionnaires?
- Dans quels cas le pouvoir adjudicateur peut-il ne pas octroyer d’indemnité de soumission ou réduire celle-ci?
- L’adjudicataire peut-il prétendre au versement de l’indemnité de soumission?
- Quel est le montant de l’indemnité de soumission?
- Quand l’indemnité de soumission doit-elle être versée?
- L’indemnité de soumission est-elle quand même due si le marché n’est pas attribué ou conclu?
- Y a-t-il aussi une obligation de reporting visant le versement des indemnités de soumission?
Avances
Qui est concerné par l’obligation de verser des avances ?
Deux catégories d’adjudicateurs sont concernées :
- D’une part, les adjudicateurs visés à l’article 2, 1°, a) de la loi, soit l’Etat, les régions et les communautés et les autorités locales ; au rang des autorités locales figurent certainement les communes (dont l’existence découle directement de la Constitution), mais également, selon nous, les CPAS (dans la mesure où ils sont créés par la loi, chaque commune ayant son CPAS) ; ne sont en revanche pas concernés, au titre d’autorités locales, les pouvoirs adjudicateurs locaux créés par les autorité locales elles-mêmes (régies communales autonomes, intercommunales, etc.), lesquels peuvent cependant, le cas échéant, être compris dans la seconde catégorie ci-après ;
- D'autre part, les adjudicateurs dont les activités sont financées majoritairement par la première catégorie et dont la gestion est soumise au contrôle de celles-ci.
Le législateur n’a pas défini les notions de "financement majoritaire" et de "gestion contrôlée". Faut-il se référer aux conditions de l’article 2, al. 1er, iii, 1 et 2 de la loi qui renvoient à la notion d’organisme de droit public ?
Certains font le rapprochement.
D’autres en doutent, vu les ratio legis distinctes. Les critères définissant la notion d’organisme de droit public visent à garantir l’efficacité et la transparence des dépenses d’origine publique et ainsi la mise en concurrence. Alors que l’extension du champ d’application personnel de l’obligation d’avance trouve sa raison ailleurs : "[c]ette obligation a été étendue aux adjudicateurs susmentionnés parce qu’ils sont financièrement suffisamment solides pour satisfaire à cette obligation. Ils sont, en effet, financés majoritairement par les adjudicateurs visés à l’article 2, 1°, a) et b), de la loi".[1]
Dit autrement, l’extension de l’obligation d’avance à d’autres pouvoirs adjudicateurs est expliquée par le législateur par la solidité de leurs finances leur permettant de faire des avances et non par la nécessité de garantir la transparence des dépenses avec des fonds d’origine publique.
Et sans préjudice de la signification à donner à ce financement majoritaire, à quel moment doit-il être établi ? S’apprécie-t-il sur une base annuelle ? Mais quelle année ? L’année en cours, au moment de la conclusion du marché ? Cela n’aurait sans doute pas de sens, sauf à être proche de son terme et déjà constater ce financement majoritaire. L’année précédente, permettant d’avoir une vision complète du financement du pouvoir adjudicateur concerné ? Une nouvelle fois, le texte légal ne permet pas de répondre à cette question.
Quant à la seconde condition et la notion de contrôle, d’aucuns évoquent le contrôle de tutelle, le "contrôle analogue" inhérent à l’exception in house, la composition des organes de l’entité contrôlée, voire de simples impulsions générales, de larges objectifs (p.ex. via un contrat de gestion).
Actuellement, aucune réponse claire ne peut être apportée.
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Les sociétés de logement de service public sont-elles concernées?
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Quels sont les cas d’avance obligatoire ?
Les deux catégories d’adjudicateurs visés (cf. supra) sont tenues de verser une avance, pour autant qu’une demande écrite soit formulée par l’adjudicataire, dans deux hypothèses :
- dans tous les cas, lorsqu’ils utilisent la procédure négociée sans publication préalable sur la base de l’article 42, § 1er, al. 1er, 1°, a) (montant d’attribution) ou c) (aucune demande de participation ou demande de participation appropriée, aucune offre ou offre appropriée n'a été déposée à la suite d'une procédure ouverte ou restreinte), ou 4°, a) (produits fabriqués uniquement à des fins de recherche, d'expérimentation, d'étude ou de développement) ;
- lorsque l’adjudicataire s’avère être une PME (cf. infra), pour les marchés passés selon une autre procédure.
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Les documents du marché doivent-ils nécessairement prévoir des dispositions relatives aux avances ?
Dans les cas d’avance obligatoire, les nouvelles règles en la matière s’imposent aux pouvoirs adjudicateurs sans qu’il y ait besoin d’indiquer dans les documents de marché les règles en question. Heureusement d’ailleurs car le législateur a donné un effet rétroactif au 1er janvier 2024 à ce nouveau régime d’avance...[2] Le législateur n’a donc pas permis aux pouvoirs adjudicateurs d’anticiper ces nouveautés dans leurs documents de marché.
Cela étant dit, l’introduction de dispositions spécifiques aux avances dans les documents de marché peut s’avérer intéressante, voire nécessaire, dans quatre cas de figure :
- Lorsqu’il n’y a pas d’obligation d’avance : dans ce cas, les adjudicateurs n’accordent pas d’avance, sauf disposition contraire dans les documents de marché (art. 12/1 de la LMP) ; le pouvoir adjudicateur peut donc prévoir une avance en adaptant les documents de marché ;
- Lorsque le pouvoir adjudicateur veut promouvoir le mécanisme de l’avance obligatoire en attirant l’attention des opérateurs économiques sur ces nouvelles règles qui leur sont favorables, voire en utilisant la marge d’augmentation du pourcentage de l’avance (art. 12/2 de la LMP) ;
- Lorsque le pouvoir adjudicateur veut faire usage d’une exception et qu’il entend avertir les soumissionnaires qu’il n’y aura pas d’avance (la réglementation n’impose pas de l’indiquer ; cette indication pourrait toutefois mettre à mal la validité des documents de marché et donc de la décision d’attribution, si le recours à l’exception était contesté) ;
- Lorsque le pouvoir adjudicateur souhaite prévoir des règles d’imputation différentes de celle prévue par défaut, la loi prévoyant que "[l]'avance […] est imputée sur les montants dus à l'adjudicataire, selon le rythme et les modalités prévus dans les documents du marché" et qu’ "[e]n absence de mention dans les documents du marché, la première moitié de l'avance est imputée sur les sommes dues à l'adjudicataire quand le montant des prestations exécutées atteint trente pour cent du montant initial du marché et la deuxième moitié de l'avance est imputée sur les sommes dues à l'adjudicataire quand le montant des prestations exécutées atteint soixante pour cent du montant initial du marché" (art. 12/8). Mais si la règle par défaut convient au pouvoir adjudicateur, il n’est en principe pas nécessaire de reprendre quoi que ce soit dans les documents du marché.
A cet égard comme beaucoup d’autres, c’est finalement une question d’opportunité laissée à l’appréciation des rédacteurs des cahiers des charges : veut-on un cahier spécial des charges ultra complet, reprenant des pans entiers de la réglementation (qui est de toute façon applicable) ? Ou préfère-t-on un cahier spécial des charges succinct, dont les clauses ne sont relatives qu’aux spécificité du marché ? A noter néanmoins que la marge d’appréciation du pouvoir adjudicateur peut être limitée par l’un ou l’autre pouvoir subsidiant, lorsque s’impose l’application d’un cahier des charges-type par exemple (Qualiroute ou CCTB).
Par ailleurs, l’on a pu constater que certains pouvoirs adjudicateurs avaient adapté leurs documents de marché, singulièrement le formulaire d’offre, afin d’y recueillir des informations relatives au statut de PME des soumissionnaires. Cela a son intérêt uniquement lorsque l’obligation d’avance est liée au statut de PME du futur adjudicataire (et donc pas lorsque la procédure est une des hypothèses visées de procédure négociée sans publicité préalable). Voyez infra.
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Le pouvoir adjudicateur a-t-il l’obligation de payer d’initiative l’avance ?
Non. L’article 67, § 2 de l’AR RGE exige une demande écrite (mais pas obligatoirement signée) d’avance de la part de l’adjudicataire. Le pouvoir adjudicateur ne peut donc pas payer d’initiative une quelconque avance, sans introduction d’une demande écrite.
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L’adjudicataire dispose-t-il d’un délai pour introduire sa demande d’avance ?
La réglementation ne fixe pas de délai endéans lequel la demande d’avance doit être introduite. La définition de la notion d’avance ("paiement d'une partie du marché avant service fait et accepté"[3]) laisse supposer que l’introduction d’une demande d’avance peut intervenir tant que le service n’a pas été accepté.
Cela étant, dans les cas où les règles d’imputation par défaut sont d’application, lesquelles prévoient pour rappel une imputation de la première moitié de l’avance à 30 % d’exécution et de la seconde moitié à 60 % d’exécution, on peut raisonnablement imaginer qu’un adjudicataire n’introduira pas de demande d’avance au-delà du stade de la première imputation.
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Comment interprète-t-on la notion de PME ?
L’article 12/1, al. 2, 2°, prévoit l’obligation de verser une avance, dans les procédures autres que la procédure négociée sans publication préalable, lorsque l’adjudicataire est une PME.
Par ailleurs, l’article 12/3 module le montant des avances selon que l’adjudicataire est une micro-entreprise, une petite entreprise ou une moyenne entreprise.
Cette notion de PME a donc toute son importance !
Comment interprète-t-on donc ces notions de PME, de micro-entreprise, de petite entreprise ou de moyenne entreprise ?
La PME est définie comme l’entreprise qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros (art. 163, § 3, al. 2).
L’article 12/3 définit par ailleurs les notions de micro-entreprise, de petite entreprise et de moyenne entreprise comme suit :
- Micro-entreprise : entreprise qui emploie moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel ne dépasse pas deux millions d'euros ;
- Petite entreprise : entreprise qui emploie moins de cinquante personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel ne dépasse pas dix millions d'euros ;
- Moyenne entreprise : entreprise qui occupe moins de deux cent cinquante personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas cinquante millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas quarante-trois millions d'euros.
La lecture de ces définitions ne suffit pas à répondre à toutes les questions :
- Qu’en est-il des indépendants qui remettent offre en tant que personne physique ou des sociétés unipersonnelle qui n’emploient personne ? On peut penser a priori qu’ils sont visés par la notion de micro-entreprise, même s’ils n’emploient pas de personnel.
- Qu’en est-il des soumissionnaires qui très occasionnellement participent à des marchés publics et qui ne seraient pas des entreprises au sens du Code de droit économique[4] ? Nous ne disposons pas de réponse à cette question. Le législateur a-t-il aussi entendu favoriser leur accès aux marchés publics ?
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Quand et comment vérifie-t-on le statut de PME ?
Là non plus, ni la loi ni les travaux parlementaires ne fournissent de réponses ou même de début de réponses.
Comme évoqué précédemment, certains pouvoirs adjudicateurs sollicitent des informations des soumissionnaires eux-mêmes au moment du dépôt des offres. Cette pratique a toutefois l’inconvénient de créer une charge administrative supplémentaire dans le chef de tous les soumissionnaires, ce qui est un comble. Par ailleurs, la situation peut évoluer dans un sens ou dans un autre entre le dépôt des offres et l’introduction de la demande d’avance. Enfin, il n’est même pas certain que l’adjudicataire introduise une demande d’avance.
En tout état de cause, il nous semble que le pouvoir adjudicateur concerné devra procéder à la vérification du statut de PME au plus tard au moment de l’introduction de la demande d’avance. Il peut donc se contenter de ne rien solliciter au dépôt des offres et d’attendre une éventuelle demande d’avance pour procéder à la vérification du statut de PME à ce moment-là.
Ceci amène à la seconde question : comment vérifier ?
Il n’existe actuellement malheureusement aucune base de données officielle regroupant les informations nécessaires et facilement accessible aux pouvoirs adjudicateurs.
1. La vérification du nombre de personnes employées ou occupées est particulièrement problématique. Le pouvoir adjudicateur est-il autorisé à exiger accès au registre du personnel tenu auprès de l’ONSS, lequel contient des données à caractère personnel ? L’ONSS est-elle disposée à fournir rapidement ces informations aux pouvoirs adjudicateurs concernés ? Le pouvoir adjudicateur devra-t-il croire sur simple déclaration les indications fournies par l’adjudicataire, au risque d’accorder illégalement une avance ?
Deux pistes de solutions nous semblent envisageables pour la vérification des personnes employées ou occupées :
- Consulter le répertoire des travailleurs qui indique la catégorie d’importance de l’employeur[5];
- Consulter le dernier bilan annuel de l’entreprise[6] et y repérer la case 9086[7].
2. La vérification du chiffre d’affaires et/ou du bilan annuel parait moins délicate, certaines informations étant accessibles via Télémarc[8] et ou la Centrale des bilans de la Banque nationale de Belgique[9], voire via les documents comptables de l’entreprise.
3. L’absence d’anticipation et de précision du législateur sur cette vérification pose de réelles difficultés pratiques :
- Sans base de données légalement constituée et accessible aux pouvoirs adjudicateurs, comment le législateur comptait-il rendre effectives les mesures qu’il a décidées ?
- Que signifie en outre la différence dans les termes utilisées : "personnes employées" dans le cas des micro-entreprises et petites entreprises, "personnes occupées" dans le cas des moyennes entreprises ? Cette différence a, semble-t-il, une incidence en ce qui concerne les travailleurs intérimaires par exemple.
- Le nombre de personnes occupées ou employées varie nécessairement au sein des employeurs ; comment le pouvoir adjudicateur va-t-il pouvoir prendre une décision sur la demande d’avance si les informations ne sont pas suffisamment fiables et que l’on ne sait exactement quelles données prendre en compte ni à quel moment il faut vérifier ?
- Comment apprécie-t-on les conditions relatives au statut de PME lorsque l’adjudicataire est un groupement d’opérateurs économiques ? Suffit-il d’additionner le nombre de personnes employées ou occupées et les chiffres d’affaires ?
A ce stade, aucune réponse claire ne semble se profiler sur ces questions.
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Comment appliquer les règles en cas d’accord-cadre ?
L’article 12/6, al. 2, prévoit : "Pour l'application des articles 12/1 à 12/5, un accord-cadre n'est pas considéré comme un marché public, mais le marché fondé sur un accord-cadre est considéré comme un marché public."
Il n’y a donc pas d’obligation d’avance pour les accords-cadres. Et à notre sens, le pouvoir adjudicateur ne peut pas non plus, en cas d’accord-cadre, user de la faculté de prévoir une avance (l’accord-cadre n’étant pas visé par l’article 12/1 qui permet au pouvoir adjudicateur de prévoir une avance).
En ce qui concerne les marchés subséquents, il faut distinguer selon que l’obligation d’avance provienne du statut de PME de l’adjudicataire ou du recours à l’une des hypothèses visées de procédure négociée sans publication préalable.
Dans le premier cas (art. 12/1, al. 2, 2°), il se pourrait qu’il s’agisse d’un accord-cadre mono-adjudicataire attribué à une PME, le pouvoir adjudicateur appréciera si chaque marché subséquent doit faire l’objet d’une avance obligatoire au regard des exceptions (singulièrement l’exception relative au délai d’exécution inférieur à 2 mois).
Dans le cas où l’accord-cadre avec plusieurs adjudicataires, le pouvoir adjudicateur vérifiera le statut de PME d’un ou de plusieurs adjudicataires selon le cas et apprécierai si le marché subséquent donne lieu à une avance obligatoire eu égard aux exceptions.
Dans la seconde hypothèse, celle de l’avance obligatoire liée à l’une des hypothèses visées de procédure négociée sans publication préalable (art. 12/1, al. 2, 1°), la question de savoir si une avance s’impose pour le marché subséquent est délicate. En effet, quelle est la procédure de passation du marché public subséquent fondé sur un accord-cadre ?
Nous ne disposons actuellement pas de réponse claire.
Soit l’on considère que les marchés subséquents ne sont pas eux-mêmes attribués en application d’une des procédures de passation prévues par la loi, mais en application d’une procédure sui generis. Cette interprétation, que nous défendons, pose toutefois question au regard de l’objectif poursuivi en l’occurrence, car l’avance obligatoire ne sera alors jamais applicable aux marchés subséquents puisque ceux-ci ne sont pas passés selon une des hypothèses visées de procédure négociée sans publication préalable.
Soit l’on considère que la procédure de passation des marchés subséquents se calque sur celle de l’accord-cadre. En ce cas, sans préjudice d’une exception, les marchés subséquents d’un accord-cadre passé en procédure négociée sans publication préalable (selon les hypothèses visées) donneront lieu à avance... même ceux de moins de 30.000 euros. Cette interprétation n’est toutefois pas cohérente avec l’absence d’obligation d’avance pour les marchés de faible montant.
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Comment calcule-t-on le montant de l’avance ?
Deux éléments sont nécessaires pour calculer le montant de l’avance : un pourcentage appliqué sur une valeur de référence :
1° Le pourcentage applicable, lequel varie en fonction de la situation :
- De 5 à 20 % si l’obligation découle du statut de PME de l’adjudicataire, avec un plafond de 225.000 euros (sans préjudice des exceptions possibles inscrites à l’article 12/4, §§ 1er et 2 de la loi) ;
- 15 % si l’obligation découle du recours à l’une des hypothèses de procédure négociée sans publication préalable ; les documents de marché peuvent rehausser ce pourcentage jusqu’à 20 % ; il y a toutefois un plafond de 225.000 euros (sans préjudice des exceptions possibles inscrites à l’article 12/4, §§ 1er et 2 de la loi) ;
- Jusqu’à maximum 20 % si l’avance est facultative.
2° La valeur de référence, qui est définie à l’article 12/5, lequel prévoit trois hypothèses :
- Soit la durée du marché est égale ou inférieure à douze mois : la valeur de référence pour le calcul de l'avance est égale au montant initial du marché, toutes taxes comprises ;
- Soit la durée du marché est supérieure à douze mois : la valeur de référence est un montant égal à douze fois la valeur initiale du marché, taxes comprises, divisée par la durée du marché exprimée en mois ;
- Soit le marché est à durée indéterminée : la valeur de référence est la valeur par mois du marché multipliée par douze.
Le texte précise encore qu’en cas de marchés à tranches ou à reconduction, il n’est pas tenu compte des tranches conditionnelles, ni des reconductions pour le calcul du montant initial du marché.
A défaut de précision en sens contraire, nous pensons qu’il n’y a qu’une seule avance par marché et qu’il n’y a donc pas d’avance ni pour les tranches conditionnelles ni pour les reconductions.
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Existe-t-il des exceptions à l’obligation de verser une avance ?
L’article 12/1, al. 4 de la loi indique que l’obligation d’avance applicable aux adjudicateurs visés à l’article 2, 1°, a) et b) de la loi ne s’applique pas dans les cas suivants :
- Les marchés publics portant à la fois sur le financement et l'exécution de travaux ainsi que, le cas échéant, sur toute prestation de services relative à ceux-ci (cf. infra) ;
- Les marchés publics ayant pour objet le crédit-bail, la location ou la location-vente ;
- Les marchés publics de services d'assurance ;
- Les marchés publics conclus sur la base d'un abonnement ou les marchés publics dont le paiement est effectué sur la base d'une consommation périodique (cf. infra) ;
- Les marchés publics dont le délai d'exécution est plus court que deux mois.
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Qu’entend-on par "marché public portant à la fois sur le financement et l’exécution de travaux ainsi que, le cas échéant, sur toute prestation de services relative à ceux-ci" ?
Il s’agit de marchés ayant trait à des travaux et leur financement (anciennement, les marchés de promotion) et éventuellement sur d’autres services comme les services d’architecture ou de maintenance. Cela ne vise donc par exemple pas les marchés de services d’auteur de projet d’architecture uniquement.
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Qu’entend-on par "marchés publics dont le paiement est effectué sur la base d'une consommation périodique", qui figurent parmi les exceptions à l’obligation de verser une avance ?
Selon nous, sans que l’exception soit limitée à ceux-là, tout marché de services à prestations successives (selon une certaine fréquence) et impliquant des paiements au même rythme (p.ex. un marché de services de lavage de vitres ou encore de curage des filets d’eau et des avaloirs), ou à prestations continues avec paiements périodiques (p.ex. un marché de services de gestion de la cuisine de la maison de repos du CPAS et de préparation des repas), relève de l'exception à l'obligation de verser une avance en raison d’une "consommation périodique".
A noter que les accords-cadres ne sont pas, en tant que tels, visés par cette exception. L’article 12/6, al. 2, prévoit une règle propre à ceux-ci et les marchés subséquents qui en découlent (cf. supra). Seuls ces derniers peuvent le cas échéant constituer des marchés dont le paiement est effectué sur la base d'une consommation périodique et, de la sorte, être visés par la présente exception.
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Comment comprendre l’exception "marché public dont le délai d'exécution est plus court que deux mois" ?
A nouveau, le législateur n’a pas apporté les précisions nécessaires : quid lorsque le délai est exprimé autrement qu’en mois ? Quid des modifications du délai d’exécution ? Il n’y a pas de réponse claire actuellement.
Il nous semble que seules les situations où ce délai d’exécution, exprimé autrement qu’en mois, est a priori inférieur au délai de 2 mois tout en s’approchant de celui-ci sont problématiques, puisque le pouvoir adjudicateur sera tenté d’invoquer l’exception à l’obligation d’avance. Nous pensons devoir préconiser trois solutions :
- Soit le pouvoir adjudicateur peut réduire le délai d’exécution pour clairement s’écarter du seuil de 2 mois ;
- Soit il indique dans les documents de marché faire usage de l’exception mais il prend l’éventuel risque de voir la légalité de ses documents de marché contestée ;
- Soit il invoque le bénéfice de l’exception au moment de l’éventuelle demande d’avance mais les discussions avec l’adjudicataire à propos de l’application de l’exception pourraient causer des difficultés dès le début de l’exécution du marché.
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Les documents du marché peuvent-ils conditionner la recevabilité de la demande de versement de l’avance, outre aux conditions prévues par la loi, également à la preuve de la constitution du cautionnement et de la conclusion des contrats d’assurances requis par les RGE et le pouvoir adjudicateur ?
Selon nous, les documents de marché n’ont même pas à l’envisager. En effet, l’article 67, § 2, al. 2, RGE, prévoit : "Le paiement des avances peut être suspendu s'il est constaté que l'adjudicataire ne respecte pas ses obligations contractuelles ou s'il contrevient aux dispositions de l'article 7 de la loi […]".
Et bien que l’article 67, § 2, RGE, ne le précise pas, dès lors que la suspension du paiement de l’avance est tributaire du non-respect par l’adjudicataire de ses obligations contractuelles, de tels manquement seront constatés par un procès-verbal ad hoc, conformément à l’article 44 RGE, que la demande de paiement de l’avance ait ou non déjà été reçue de l’adjudicataire.
Cela étant, le pouvoir adjudicateur veillera à ne pas ajouter des conditions qui ne sont pas prévues par la loi et qui pourraient ainsi être interprétées comme dérogatoires. Car, faut-il le rappeler, si les dérogations aux RGE sont permises à certaines conditions (art. 9 RGE), les dérogations à la loi ne sont absolument pas permises.
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La loi prévoit que l’avance "est imputée sur les montants dus à l'adjudicataire, selon le rythme et les modalités prévus dans les documents du marché". Serait-il permis d’imputer la totalité de l'avance à l’occasion du premier paiement à l’adjudicataire ?
La loi ne limite pas la marge de manœuvre des pouvoirs adjudicateurs dans la détermination du rythme et des modalités d’imputation de l’avance. Néanmoins, on ne pourra bien sûr imputer l'avance sur la première facture que si le montant de celle-ci est égal ou supérieur à celui de l'avance. A défaut, il faudra plusieurs acomptes pour imputer l'avance.
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Quel est le délai de paiement des avances ? Les conditions générales de paiement sont-elles applicables aux paiements des avances ?
Ne s’agissant finalement que d’un paiement anticipé et dès lors que le législateur n’a rien prévu à cet égard, le paiement d’une avance aurait dû, selon nous, se voir appliquer les règles habituelles de paiement, dans la mesure néanmoins de leur compatibilité avec les particularités liées aux avances.
De manière surprenante, postérieurement à l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles relatives aux avances, le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 12 août 2024 relatif au nouveau "délai de traitement" (en vigueur à partir du 1.1.2025) précise néanmoins: "Il convient de noter que les règles de paiement modifiées dont question ci-dessus ne s'appliquent pas dans le cadre du paiement d'une avance en vertu des articles 12/1 à 12/8 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics.
L'article 67 de l'AR RGE, tel que modifié par l'article 10 de la loi du 22 décembre 2023, est d'application pour ces paiements, de même que l'article 4, § 2, de la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, lorsque le marché public est passé par un adjudicateur. Dans ce dernier cas, l'avance doit donc être versée dans un délai de trente jours de calendrier à compter du jour suivant celui de la demande de paiement écrite et datée visée à l'article 67, § 2, de l'AR RGE, à moins qu'un délai de paiement plus long n'ait été convenu conformément à l'article 4, § 2, alinéa 2, de la loi du 2 août 2002 précitée (pour autant qu'il soit objectivement justifié par la nature particulière ou par certains éléments du contrat).
En effet, conformément à l'article 3, alinéa 2, de la loi du 2 août 2002, cette dernière loi s'applique également aux transactions commerciales entre entreprises et adjudicateurs, lorsque le débiteur est un adjudicateur, dans les cas où aucune règle de paiement particulière n'est prévue en matière de règles de vérification et de paiement telles que prévues dans les règles générales d'exéécution (en effet, l'article 67 de l'AR RGE ne prévoit pas de règles de vérification et de paiement particulières, et ces aspects ne sont pas non plus réglés ailleurs dans l'AR RGE, du moins en ce qui concerne le paiement d'avance)."
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Quelles sont les obligations de reporting pesant sur les pouvoirs adjudicateurs ?
Le pouvoir adjudicateur doit compléter un formulaire ad hoc sur la plateforme e-Procurement, à la suite de l’avis d’attribution (simplifié), y compris en cas de renonciation à attribuer ou conclure le marché (art. 12/7).
Ce formulaire distinct de l’avis d’attribution (simplifié) apparait en pop-up au moment de compléter celui-ci sur la plateforme e-Procurement.
A nouveau cependant, des difficultés pratiques risquent de survenir : comment le pouvoir adjudicateur peut-il compléter ce formulaire si après avoir attribué le marché, au moment de compléter l’avis d’attribution (simplifié), il n’est pas certain à ce stade de devoir verser une avance (pas – encore – de demande d’avance, une exception est applicable, la taille de l’entreprise n’est pas encore démontrée, etc.) ?
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Indemnités de soumission
Dans quels cas une indemnité de soumission doit-elle être prévue ?
Le pouvoir adjudicateur doit prévoir une indemnité de soumission lorsqu’il exige que les offres soient "accompagnées d'échantillons, de maquettes, de prototypes, de dessins ou de toute autre conception graphique dans les domaines des arts plastiques, des arts musicaux, des arts cinématographiques ou des arts du spectacle" (art. 12/9, al. 1er).
Le commentaire des articles du projet de loi précise : "Si un dessin de nature technique est exigé, il faut également prévoir une indemnité de soumission." Il ajoute néanmoins : "Le simple fait que la méthode d’exécution (le concept) doive être décrite dans l’offre (par exemple, un concept permettant l’élaboration d’une solution TIC) ne suffit pas pour rendre une indemnité de soumission obligatoire (pour autant qu’il ne faille pas aussi présenter un échantillon, une maquette, un prototype, un dessin ou un projet dans le domaine d’un des arts précités)."[10] L’exemple choisi – l’élaboration d’une solution TIC – crée ainsi une ambiguïté : est-ce en lien avec les domaines artistiques concernés ?
On constate ainsi que le texte légal peut être interprété de deux manières : soit sont concernés les marchés pour lesquels le pouvoir adjudicateur exige des échantillons, maquettes, prototypes, dessins ou toute autre conception graphique, dans tous les cas "dans les domaines des arts plastiques, des arts musicaux, des arts cinématographiques ou des arts du spectacle" ; soit sont concernés les marchés pour lesquels, d’une part, on exige des échantillons, maquettes, prototypes ou dessins, quel que soit le domaine d’activité, et, d’autre part, ceux pour lesquels on exige quelque "conception graphique dans les domaines des arts plastiques, des arts musicaux, des arts cinématographiques ou des arts du spectacle".
Le commentaire des articles lève partiellement cette ambiguïté, en précisant plus loin : « non seulement les échantillons, les maquettes ou les prototypes doivent donner lieu à une indemnité de soumission, mais aussi toute autre conception graphique ou tout autre projet dans les domaines des arts plastiques, des arts musicaux »[11]. La volonté du législateur semble donc bien correspondre à la seconde interprétation.
Néanmoins, il nous revient que certains retiendraient la première interprétation.
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Les indemnités de soumission sont-elles obligatoires en cas de marchés de faible montant ?
Conformément à l’article 92 de la loi, les articles 12 à 12/8 (relatifs aux avances) ne sont pas applicables aux marchés de faible montant. L’article 12/9, relatif à l’indemnité de soumission, n’est ainsi pas repris parmi les dispositions non applicables aux marchés de faible montant. Dans les conditions prévues par celui-ci, les indemnités de soumission sont donc obligatoires pour tout marché (à l’exception de ceux exclus du champ d’application de la loi), y compris s’il s’agit d’un marché de faible montant.
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L’indemnité de soumission, due notamment lorsque les soumissionnaires sont tenus de déposer l’un ou l’autre échantillon avec leur offre, est-elle obligatoire lorsque les échantillons sont restitués aux soumissionnaires ?
La loi n’envisage pas directement cette hypothèse. Aussi n’existe-t-il pas d’exception à l’obligation d’octroyer une indemnité de soumission, dans ces circonstances.
Mais comme l’indiquent les travaux parlementaires, "la détermination du montant de l’indemnité est laissée à l’appréciation de l’adjudicateur. […] l’indemnité ne doit pas nécessairement être identique, voire approximativement identique, au coût attendu que le soumissionnaire devra supporter en raison de l’effort requis pour préparer l’échantillon […]. L’adjudicateur n’est donc pas tenu d’effectuer une estimation distincte de ce coût final (et moyen) attendu pour les soumissionnaires. Cela nécessiterait d’ailleurs une approche compliquée de la part de l’adjudicateur, sur qui pèseraient des charges administratives disproportionnées. […] Néanmoins, l’adjudicateur devrait s’assurer, lorsqu’il exige la présentation d’échantillons, de maquettes, de prototypes, de dessins ou de projets dans le domaine d’un des arts susmentionnés, que l’intervention au moyen de l’indemnité de soumission soit de nature à atténuer l’effort qui est exigé à cette fin […]".
Lorsque l’échantillon est restitué au soumissionnaire, il ne constitue pas lui-même un coût pour l’opérateur économique. L’effort du soumissionnaire devant être partiellement couvert par l’indemnité de soumission s’avère, dans ces circonstances, bien moindre que si l’échantillon était conservé par le pouvoir adjudicateur (tout au plus l’emballage, l’envoi et la récupération de l’échantillon). Dans cette hypothèse, un montant d’indemnité de soumission particulièrement limité sera pleinement justifié.
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Dans quels cas le pouvoir adjudicateur peut-il ne pas octroyer d’indemnité de soumission ou réduire celle-ci ?
Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de prévoir le paiement d'une indemnité de soumission en cas de recours à la procédure ouverte ou la procédure négociée directe avec publication préalable ou mise en concurrence préalable (art. 12/9, al. 2). Le législateur a jugé que dans ces cas-là, "l’adjudicateur n’a aucun moyen de limiter le nombre d’offres soumises, de sorte que le nombre de soumissionnaires auquel l’adjudicateur devra payer l’indemnité de soumission n’est pas clair non plus, ce qui empêche de procéder à une évaluation budgétaire minutieuse. Dans ces cas, l’introduction d’une obligation entraînerait donc un risque budgétaire élevé et inacceptable pour l’adjudicateur. Dans un tel cas, l’adjudicateur peut accorder une indemnité de soumission mais il n’est pas obligé de le faire"[12].
En outre, dans les cas où le versement d’une indemnité de soumission est en principe obligatoire, le pouvoir adjudicateur peut néanmoins prévoir dans les documents du marché de n'octroyer aucune indemnité de soumission ou de n'octroyer qu'une indemnité réduite aux soumissionnaires qui ont présenté une offre substantiellement irrégulière ou inacceptable (art. 12/9, al. 2).
Le pouvoir adjudicateur pourrait donc avoir intérêt à insérer une condition de régularité tenant à une certaine qualité de l’offre (par exemple, les offres n’atteignant pas 50 points sont affectées d’une irrégularité substantielle) pour éviter de payer des indemnités à des soumissionnaires présentant une offre de pauvre qualité.
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L’adjudicataire peut-il prétendre au versement de l’indemnité de soumission ?
Non. Et le pouvoir adjudicateur ne dispose d’aucune marge d’appréciation à cet égard, c’est la loi qui le prévoit ainsi (art. 12/9, al. 4).
Néanmoins, si l'adjudicateur prévoit des primes ou des paiements au profit des participants à un dialogue compétitif, comme cela était d’ailleurs déjà permis et expressément envisagé par la loi (articles 39, § 8 ou 121, § 8), ou si des indemnités similaires sont accordées dans le cadre d'un concours, ces primes, paiements ou indemnités, l’adjudicataire pourra aussi en bénéficier.
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Quel est le montant de l’indemnité de soumission ?
La loi n’impose rien. Les pouvoirs adjudicateurs disposent donc de toute marge de manœuvre pour déterminer ce montant.
A cet égard, on peut attirer l’attention sur le fait qu’à aucun moment il n’est exigé que ce montant couvre le coût réel que représente pour un pouvoir adjudicateur la remise d’une offre pour tel marché.
L’estimation d’un tel coût parait d’ailleurs particulièrement difficile dans le chef des pouvoirs adjudicateurs, dont ce n’est par définition pas le rôle. Cela étant, la prospection ou consultation préalable du marché (art. 51 de la loi) peut aussi porter sur cet aspect.
Ce montant devra être indiqué dans les documents de marché (art. 12/9, al. 3).
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Quand l’indemnité de soumission doit-elle être versée ?
Le pouvoir adjudicateur doit prévoir dans les documents du marché la date ultime à laquelle l'indemnité sera payée. Cette date ne peut être postérieure au trentième jour suivant la date de la conclusion du marché et doit être comprise dans un délai de six mois à partir du jour de la décision d'attribution ou de non-attribution du marché (art. 12/9, al. 3).
Quid si le pouvoir adjudicateur ne prévoit rien dans les documents du marché ? Il nous semble qu’on peut raisonnablement considérer que les délais maximaux précités s’appliquent (même si la loi ne le dit pas expressément).
On peut aussi en déduire, selon nous, que les conditions générales de paiement (art. 66 et ss. RGE) ne sont pas applicables au versement de l’indemnité de soumission : d’une part, il ne s’agit pas d’un paiement au sens des articles 95, 127 et 160 RGE (on n’est d’ailleurs pas au stade de l’exécution du marché) ; d’autre part, le législateur a en l’occurrence prévu des délais tout-à-fait spécifiques. Il s’ensuit que l’intérêt de retard (art. 69 RGE) ne devrait pas non plus s’appliquer au versement tardif de l’indemnité.
Par conséquent, on doit constater qu’aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect des délais, voire de l’obligation même de verser l’indemnité de soumission. Dans ces cas-là, les adjudicataires n’auront d’autres choix que de réclamer celle-ci par la voie amiable, voire la voie judiciaire à défaut de réaction du pouvoir adjudicateur.
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L’indemnité de soumission est-elle quand même due si le marché n’est pas attribué ou conclu ?
Oui, le législateur ne prévoit pas d’exception dans une telle situation. Cela se comprend d’ailleurs, compte tenu de l’objectif d’une telle indemnité de soumission.
Néanmoins, si le pouvoir adjudicateur a prévu que l’indemnité de soumission ne sera pas versée aux soumissionnaires ayant remis une offre substantiellement irrégulière ou inacceptable (v. plus haut) et qu’il n’a justement d’autre choix de renoncer à attribuer le marché pour ce motif, aucune indemnité ne sera alors versée.
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Y a-t-il aussi une obligation de reporting visant le versement des indemnités de soumission ?
Oui, le pouvoir adjudicateur doit compléter un formulaire ad hoc sur la plateforme e-Procurement, à la suite de l’avis d’attribution (simplifié), y compris en cas de renonciation à attribuer ou conclure le marché (art. 12/9, al. 6).
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[1] Exposé des motifs, Projet de loi modifiant la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, en ce qui concerne l’accès des PME, Doc. Parl., Chambre, 2022-2023, n° 55-3609/001, p. 11.
[2] Art. 11, 1° de la loi du 22.12.2023.
[3] Art. 2, 55° de la loi.
[4] Art. I.1, 1° du Code de droit économique.
[5] https://employer-identification-consult.prd.pub.socialsecurity.be/
[6] Accessible via la Centrale des bilans de la Banque nationale de Belgique : https://consult.cbso.nbb.be/
[7] https://consult.cbso.nbb.be/
[8] http://telemarc.belgium.be/
[9] https://consult.cbso.nbb.be/
[10] Doc. parl., Ch., 2022-2023, n° 55-3609/001, pp. 21-22.
[11] Ibid., p. 22.
[12] Ibid., p. 20.
2024-11-28 - CFMP-avis-avances
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