Le métier d’architecte-paysagiste et les marchés publics
La cellule marchés publics de l’UVCW a eu le plaisir de rencontrer les représentants de l’ABAJP – association belge des architectes de jardins et des architectes-paysagistes – lors d’une entrevue au cours de laquelle cette dernière a pu exposer les spécificités du métier et les difficultés rencontrées par les architectes-paysagistes dans le cadre de la soumission aux marchés publics lancés, notamment, par les pouvoirs locaux.
En effet, le métier d’architecte-paysagiste et les services pouvant être rendus par celui-ci semblent trop méconnus des pouvoirs adjudicateurs, entraînant parfois la rédaction de cahiers spéciaux des charges trop restrictifs ou inadaptés.
L’architecte-paysagiste est concepteur et spécialiste de la planification spatiale au sens large. Sa mission comprend notamment l’étude préliminaire du site, l’esquisse, l’avant-projet, la demande de permis d’urbanisme, le projet (dossier d’exécution des travaux), le contrôle de l’exécution des travaux, ainsi que la gestion du projet réalisé. Divers types de projet sont concernés : aménagement ou réaménagement du domaine public (places, parcs publics, paysages, cimetières…), terrains de sport et de récréation, plaines de jeux, terrains de golfs, baignade et nautisme…
Les représentants de l’ABAJP ont pu exposer les différents obstacles empêchant souvent, de manière injustifiée, les architectes-paysagistes de soumissionner aux marchés publics des pouvoirs locaux.
Ainsi, relevons les points suivants :
- Plusieurs difficultés ont été relevées concernant la rédaction des critères de sélection qualitative.
Dans les marchés d’auteur de projet, la composition de l’équipe est souvent prévue en tant que critère de capacité technique et professionnelle (article 69, §2, 6°, ARP 18.04.2017). Le niveau d’exigence minimal prévoit fréquemment que l’équipe devra comprendre au minimum un architecte (ou un ingénieur-architecte). Or, les travaux concernés par le réaménagement d’une place ou d’un parc, par exemple, ne requièrent pas nécessairement l’intervention d’un architecte.
Nous attirons donc l’attention de nos membres sur la pertinence, au moment de la rédaction des documents du marché, de s’interroger sur la nécessité d’exiger l’intervention d’un architecte. En effet, si le dépôt d’un permis d’urbanisme nécessite souvent l’intervention d’un architecte, ce n’est pas systématiquement le cas. Nous renvoyons, à cet égard, vers les articles R.IV.1-1 et R.IV.1-2 du CoDT.
En exigeant l’intervention d’un architecte alors que le CoDT ne l’impose pas, un obstacle injustifié au dépôt d’une offre par un architecte-paysagiste est dressé et la fixation du niveau minimum d’exigence est disproportionnée.
De la même manière, imposer une équipe pluridisciplinaire composée à la fois d’un architecte ET d’un architecte-paysagiste (et éventuellement d’autres profils), alors que les travaux ne le nécessitent pas, aboutit à la même conclusion[1].
Enfin, toujours concernant la composition de l’équipe, l’attention doit être attirée sur les titres d’études exigés. En effet, la possibilité de passer un master d’architecte-paysagiste n’existe que depuis 2004 en Belgique. Ainsi, on compte en Belgique environ 200 architectes-paysagistes titulaires d’un master, contre 4000 détenteurs d’un diplôme de type bachelier. Dès lors, exiger la détention d’un master implique de se priver de la potentielle soumission de nombreux architectes-paysagistes expérimentés.
Un autre critère de sélection qualitative souvent prévu dans les marchés publics d’auteur de projet est celui de l’expérience, soit la liste des principaux services fournis au cours des trois dernières années au maximum, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. Ce critère doit être assorti d’un niveau minimal d’exigence approprié indiquant le type de services exigés, leur nombre et leur montant. Comme s’agissant de n’importe quel autre marché, il convient de veiller au respect du principe de proportionnalité à cet égard. Ainsi, l’on comprend aisément qu’exiger par exemple “5 expériences de conception d’un projet de rénovation d’une place communale dont les travaux sont arrivés au stade de la réception provisoire, pour X euros par projet, au cours des trois dernières années”, risque de réduire de manière très importante la concurrence. En effet, le type de services exigé est très spécifique et les projets concernés ne sont pas parmi les plus fréquents… Il est donc opportun de s’interroger, lors de la fixation du critère, sur sa pertinence (par exemple, d’autres types de projets ne pourraient-ils pas être visés ?) et sur le risque de restreindre indûment la concurrence.
- Le travail demandé afin de pouvoir simplement déposer une offre peut s’avérer extrêmement lourd.
Ainsi, les documents du marché imposent parfois de joindre à l’offre plusieurs notes, croquis, schémas, plans… nécessitant un travail de préparation de l’offre très conséquent. Nous attirons l’attention de nos membres sur la nécessité d’apprécier, au cas par cas, la réelle opportunité de poser de telles exigences. En effet, un tel travail en amont du dépôt d’une offre constitue un risque pris par les soumissionnaires (investissement en temps, en matériel, en ressources humaines…), risque susceptible de dissuader les PME/TPE/indépendants de soumissionner.
Le cas échéant, si de telles exigences s’imposent, le pouvoir adjudicateur est invité à envisager un dédommagement approprié des soumissionnaires.
En outre, si de telles exigences sont prévues, et que le marché est divisé en tranches fermes et conditionnelles, il serait opportun de veiller à ce que la ou les tranches fermes soient suffisamment conséquentes pour « couvrir » le risque pris par le soumissionnaire pour l’élaboration de son offre.
Afin d’en apprendre davantage sur le métier d’architecte-paysagiste, nous vous invitons à consulter le document de présentation communiqué par l’ABAJP, disponible ci-dessous.
[1] Par ailleurs, si une équipe pluridisciplinaire est exigée, il convient de veiller, en cas de fixation d’un taux d’honoraires maximal, à prévoir un taux maximal suffisant permettant de couvrir la rémunération de l’ensemble des intervenants exigés.
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