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Mis en ligne le 20 Mars 2024

Le mot synergie est dans l’air du temps. Cet article est l’occasion de parcourir quelques moyens de « synergiser » entre pouvoirs locaux, avec un point d’attention particulier à l’égard des communes et des CPAS. Seront ainsi abordés deux mécanismes de regroupement de la commande publique (marchés conjoints (point 1) et centrales d’achat (point 2)), deux formes de coopération locale dispensées de mise en concurrence (exceptions « in house » et coopération horizontale (point 3)) et enfin, le mécanisme du subside (point 4).

Cet article se veut synthétique et pratique : il s’articule ainsi notamment autour d’une description, de références légales, de caractéristiques, d’étapes de mise en œuvre, d’un point relatif à la tutelle et d’une description des avantages et des inconvénients.

1. Mécanisme du marché conjoint

1.1. Description de la synergie 

Marchés publics réalisés conjointement pour le compte de plusieurs pouvoirs adjudicateurs.

1.2. Références légales 

Art. 38 de la Directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Art. 2, 36° et 48 de la loi relative aux marchés publics du 17 juin 2006.

Art. L1222-6 du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation.

Art. 84bis de la loi organique des CPAS du 8 juillet 1976.

1.3. Caractéristiques

Un marché conjoint est « un marché réalisé conjointement dans son intégralité ou non, au nom et pour le compte de plusieurs adjudicateurs »[1].

Deux ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs peuvent donc convenir de passer conjointement un ou plusieurs marchés spécifiques qui présentent pour eux un intérêt commun. Un tel marché peut toujours être conclu conjointement non seulement pour le compte de deux ou de plusieurs pouvoirs adjudicateurs mais également pour le compte de pouvoirs adjudicateurs et de personnes de droit privé, qu’elles revêtent ou non la qualité de pouvoir adjudicateur[2].

Selon le législateur, la passation conjointe de marchés peut prendre différentes formes, depuis la passation coordonnée de marchés, en passant par la préparation de spécifications techniques communes pour des travaux, fournitures ou services qui seront acquis par un certain nombre de pouvoirs adjudicateurs, chacun d’entre eux menant sa propre procédure de passation de marché, jusqu’aux cas où les pouvoirs adjudicateurs concernés mènent conjointement une procédure de passation de marché, soit en agissant ensemble soit en confiant à l’un d’entre eux la gestion de la procédure au nom de l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs[3].

Le texte légal n’envisage pas lui-même toutes ces possibilités, même si des distinctions sont faites pour préciser la répartition des responsabilités entre les différents pouvoirs adjudicateurs. Lorsque plusieurs pouvoirs adjudicateurs mènent conjointement une procédure de passation de marché, ils sont solidairement responsables de l’exécution des obligations qui leur incombent. Toutefois, lorsque seules des parties de la procédure de passation sont menées conjointement par les pouvoirs adjudicateurs, la responsabilité solidaire ne s’applique qu’à ces parties. Chaque pouvoir adjudicateur est donc seul responsable pour les procédures ou les parties de procédures dont il se charge seul, telles que l’attribution d’un marché, la conclusion d’un accord-cadre, l’exploitation d’un système d’acquisition dynamique, la remise en concurrence en application d’un accord-cadre ou la détermination de l’opérateur économique partie à un accord-cadre qui exécutent une tâche donnée[4].

Bien que le législateur envisage vraisemblablement le marché conjoint sous différentes formes, dans la pratique, on entend habituellement par marché conjoint un marché unique regroupant plusieurs pouvoirs adjudicateurs. Dans ce cas, il n’y a qu’un seul marché, régi par un seul cahier des charges, attribué et dont l’exécution est surveillée par une des parties intéressées. C’est en ce sens que la suite de cette fiche envisagera le marché conjoint.

Si l’on s’en tient donc à cette dernière forme de marché conjoint, probablement la plus aboutie, il est alors recommandé aux pouvoirs adjudicateurs de " […] s'accorder préalablement sur les conditions du marché, sur [la procédure] de passation de celui-ci et sur la désignation de [celui] qui interviendra, en leur nom collectif, lors de l'attribution et de l'exécution du marché et qui, dès lors, fera office de pouvoir adjudicateur. Une convention préalable est donc en principe conclue entre ces différentes parties. Elle détermine notamment les conditions du marché et de paiement, ainsi que la personne qui interviendra en qualité de pouvoir adjudicateur pour la passation et l'exécution du marché"[5]-[6]. Pour le reste, les marchés conjoints sont soumis aux procédures classiques de passation des marchés publics.

Enfin, il convient de distinguer cette forme de collaboration de la possibilité de collaborer via une centrale d’achat. La centrale d’achat est une entité procédant à l’attribution de marchés publics, tandis que le marché conjoint est un marché public attribué par un pouvoir adjudicateur agissant pour le compte d’autres pouvoirs adjudicateurs[7]. Alors que le marché conjoint ne concerne généralement qu’un seul marché public, la centrale d’achat se caractérise par son caractère durable. Dès lors, si le but est de passer un marché de manière ponctuelle, le présent mécanisme semble être la meilleure option. En revanche, si l’objectif est de passer plusieurs marchés qui s’étalent sur une période déterminée, la possibilité de recourir à une centrale d’achat semble plus adaptée[8].

1.4. Etapes de mise en œuvre

  • Décision de recourir à un marché public conjoint, désignation, le cas échéant, de l’adjudicateur qui agira pour le compte des autres adjudicateurs et, le cas échéant, adoption de la convention régissant le marché public conjoint. La décision de désignation pourra être à dimension variable quant à la liberté qui sera laissée au pouvoir adjudicateur désigné pilote[9].

Organe compétent :

  • Commune : le conseil communal sur la base de l’article L1222-6 du CDLD sous réserve d’une éventuelle délégation ou d’une urgence impérieuse résultant d’évènements imprévisibles. Afin de déterminer si les seuils de délégation sont atteints, il convient de se référer au montant total estimé du marché et non au montant estimé de la part du marché pour chaque adjudicateur[10].
  • CPAS : Le conseil de l’action sociale sur la base de l’article 84bis de la LO sous réserve d’une éventuelle délégation ou d’une urgence impérieuse résultant d’évènements imprévisibles. Afin de déterminer si les seuils de délégation sont atteints, il convient de se référer au montant total estimé du marché et non au montant estimé de la part du marché pour chaque adjudicateur[11].

L’on constate généralement deux pratiques courantes au sein des pouvoirs locaux :

1) Option 1 : Décision de recourir à un marché public conjoint, désignation de l’adjudicateur pilote et conclusion d’une convention entre les pouvoirs adjudicateurs concernés (conditions du marché, désignation du pouvoir adjudicateur pilote qui procèdera au lancement de la procédure, modalités de collaboration, partage des responsabilités, etc.).

Ensuite, le pouvoir adjudicateur désigné pilote arrête également le principe de la passation d'un marché conjoint, accepte sa désignation, arrête les conditions du marché et lance la procédure de passation.

2) Option 2 : Sinon, à la manière des contrats dits « à distance », préalablement, le(s) pouvoir(s) adjudicateur(s) autre(s) que le pouvoir adjudicateur « pilote » arrête(nt) le principe de la passation d'un marché conjoint (qui aura été proposé de manière plus informelle ou dont l'un prend l'initiative, avant lui-même d'en faire la proposition), approuve(nt) les conditions du marché (projet de cahier spécial des charges proposé ou dont il est à l'origine) et désigne(nt) le pouvoir adjudicateur « pilote ».

Ensuite, le pouvoir adjudicateur désigné pilote arrête également le principe de la passation d'un marché conjoint, accepte sa désignation, arrête définitivement les conditions du marché (en reprenant le cahier spécial des charges préalablement approuvé par ses partenaires) et lance la procédure de passation.

  • C'est le pouvoir adjudicateur pilote qui, le cas échant, seul, va recevoir et comparer les offres, attribuer le marché, le conclure et surveiller son exécution.

Certes, des modalités de collaboration peuvent prévoir, par exemple, que c'est une équipe composée paritairement de représentants des différents pouvoirs adjudicateurs qui va procéder à l'examen et la comparaison des offres, mais formellement les soumissionnaires (puis l'adjudicataire) ne connaissent qu'un interlocuteur, le seul à pouvoir prendre valablement toute décision dans le cadre de la passation et de l'exécution du marché.

  • Le cas échéant,
    • le collège communal (ou, sur délégation, le directeur général (adjoint) ou un agent) de la commune ainsi représentée par un autre adjudicateur pour la passation du marché conjoint, prend acte de l’attribution du marché public par l’adjudicateur désigné (art. L1222-6 CDLD);
    • le conseil de l’action sociale de l’adjudicateur représenté (ou, sur délégation le bureau permanent, un comité spécial, le directeur général (adjoint) ou un agent) prend acte de l’attribution du marché public par l’adjudicateur désigné (art. 84bisO.).
  • Quant aux paiements, si leur scission, en fonction du pouvoir adjudicateur concerné, a été admise de longue date par le Conseil d'Etat[12], elle découle aujourd’hui très clairement de l’article 48, al 3 de la loi.

1.5. Tutelle

La convention passée entre les différents pouvoir adjudicateur ne doit ne faire l’objet d’un transmis obligatoire à la tutelle. Elle reste cependant soumise à tutelle générale d’annulation, comme n’importe quel acte de la commune ou du CPAS.

Le pouvoir adjudicateur pilote devra quant à lui transmettre, le cas échant, à l’autorité de tutelle la décision d’attribution du marché conjoint conformément aux règles prescrites par le CDLD ou la LO en matière de tutelle sur les marchés publics.

1.6. Avantages et inconvénients

Avantages:

  • Simplification administrative;
  • Efficience;
  • Economies d’échelle.

Inconvénients:

  • Délégation de compétences ;
  • Responsabilité du pouvoir adjudicateur « pilote »;
  • Compte tenu du volume des commandes, atteinte rapide des seuils de publicité qui implique le recours à des procédures de passation plus complexes.

Astuces, conseils, difficultés

Il est conseillé aux pouvoirs adjudicateurs d'établir au préalable une liste des marchés publics potentiellement réalisables en commun.

De même, il est recommandé de mettre en place une procédure d'information systématique des pouvoirs adjudicateurs situés sur le territoire de l'entité lorsqu'il y a une commande à passer susceptible d'intéresser l'un de ceux-ci.

Il est également conseillé d'élaborer des cahiers de charge détaillés sur les modalités d'exécution du marché conjoint : lieux de fourniture, quantité, délai d'exécution et de paiement. En effet, une négociation précise, entre les pouvoirs adjudicateurs participants, des modalités d'exécution du marché ne fera qu'optimaliser la réussite de ce marché.

Enfin, faut-il le rappeler, les marchés conjoints ne sont pas réalisables pour tout achat : il y a lieu de tenir compte des différentes sensibilités, des questions d'approvisionnement et de l’efficience de l'opération.

2. Mécanisme de la centrale d’achats

2.1. Description de la synergie 

Constitution d'une centrale d'achat par la commune, le CPAS ou tout autre pouvoir adjudicateur, à laquelle, communes, CPAS et autres pouvoirs adjudicateurs (para)locaux peuvent adhérer.

Ou

Adhésion de la commune et/ou du CPAS à une centrale d'achat, leur permettant d'être dispensés d'organiser eux-mêmes des marchés publics au moment de passer commande.

2.2. Références légales 

Art. 2 et 37 de la Directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Art. 2, 6° et 47 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics.

Art. L1222-7 du Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation.

Art. 84ter de la loi organique des CPAS du 8 juillet 1976.

2.3. Caractéristiques

La centrale d’achat est un pouvoir adjudicateur qui passe des marchés ou des accords-cadres pour le compte d’autres pouvoirs adjudicateurs et/ou qui fait l’acquisition de fournitures et/ou de services au profit d’adjudicateurs ; l'intérêt est double : un pouvoir adjudicateur qui recourt à une centrale d'achat ou de marchés est dispensé de l'obligation d'organiser lui-même une procédure de passation et bénéficie de l’expertise de la centrale d’achat dans la commande publique.

La loi définit plus précisément la centrale d’achat comme « un pouvoir adjudicateur qui réalise des activités d’achat centralisées et éventuellement des activités d’achat auxiliaires »[13].

Les activités d’achat centralisées sont « des activités menées en permanence qui prennent l’une des formes suivantes : a) l’acquisition de fournitures et/ou de services destinés à des adjudicateurs ; b) la passation de marchés publics et d’accords-cadres de travaux, de fournitures ou de services destinés à des adjudicateurs »[14].

Une centrale d’achat peut donc opérer de deux manières. Elle peut soit agir en tant que « grossiste » en achetant, stockant le cas échéant et revendant, soit agir en tant « qu’intermédiaire » en passant des marchés, en exploitant des systèmes d’acquisition dynamiques ou en concluant des accords-cadres destinés aux pouvoirs adjudicateurs, avec ou sans rémunération. Dans le premier cas, la centrale d’achat se charge aussi bien de la passation que de l’exécution du marché public (ou de l’accord-cadre), tandis que dans le second cas, son action se limite généralement à la passation, les aspects liés à l’exécution étant dès lors à charge des destinataires du marché (ou de l’accord-cadre). La possibilité d’intervenir comme « grossiste » n’est par définition possible que pour les fournitures et services. En cas de travaux, la centrale d’achat intervient toujours comme « intermédiaire ».

Les termes « menées en permanence » ressortent de la directive elle-même. « Ils sont censés, peut-être maladroitement, indiquer qu’une centrale a généra­lement un caractère relativement pérenne, par comparaison avec les marchés conjoints, plutôt ponctuels »[15]. S’il s’agit d’activités menées en permanence, elles ne doivent pas pour autant constituer une activité principale[16].

Les « activités d’achat auxiliaires », sont, quant à elle, des activités diverses qui consistent à fournir un appui aux activités d’achats centralisées. Il s’agit notamment de la mise à disposition d’infrastructures techniques permettant aux adjudicateurs de passer des marchés publics ou des accords-cadres, de conseils sur le déroulement ou l’organisation des marchés publics, de préparation et de gestion des marchés publics au nom et pour le compte des adjudicateurs.

Les destinataires des fournitures et des services des marchés ou accords-cadres qui sont respectivement acquis ou passés via une centrale d’achat, seront la plupart du temps des adjudicateurs et ce, même s’il n’est pas exclu que la centrale procède à des achats pour d’autres personnes[17].

Bien que le recours à une centrale d’achat pourrait constituer en soi un marché public de services pour la fourniture d’activités d’achat centralisées, la nouvelle réglementation précise qu’il ne doit pas faire l’objet d’une mise en concurrence. Cela vaut également lorsque les services d’une centrale sont payants. Il en va également de même des activités d’achat auxiliaires exécutés par une centrale d’achat mais uniquement lorsqu’elles sont en liaison avec la fourniture par celle-ci d’activités d’achat centralisées aux pouvoirs adjudicateurs concernés.[18] À titre d’exemple, une mise en concurrence ne serait pas nécessaire pour recourir au service d’audit informatique d’une centrale qui fournirait par ailleurs du matériel informatique à ses adhérents, lorsque cet audit a pour objet de mieux cerner les besoins des adhérents avant le passage de leur commande.

Quant à la répartition des responsabilités entre la centrale d’achat et les pouvoirs adjudicateurs qui effectuent leurs achats auprès de celle-ci ou par son intermédiaire, la réglementation prévoit que lorsque la centrale d’achat assume seule la responsabilité du déroulement des procédures de passation, elle assume également seule la responsabilité directe de la légalité des procédures. Par contre, si un pouvoir adjudicateur se charge de certaines parties de la procédure, telles que la remise en concurrence en application d’un accord-cadre ou l’attribution de marchés particuliers sur la base d’un système d’acquisition dynamique, il reste responsable des phases de la procédure dont il se charge.

2.4. Etapes de mise en œuvre

2.4.1. Constitution et adhésion

  • Constitution de la centrale d'achat par le pouvoir adjudicateur concerné et arrêt des conditions d'adhésion et de fonctionnement (modalités d’affiliation des bénéficiaires à la centrale d’achat, missions, modalités de collaboration, étendue des responsabilités de la centrale et des bénéficiaires, droits et obligations de chacune des parties, montant de la rémunération éventuelle de la centrale, etc.) sous la forme d’une convention.

Organe compétent :

  • La centrale est une commune : le conseil communal sur la base de l’article L1122-30 du CDLD qui prévoit que le conseil communal règle tout ce qui est d’intérêt général.
  • La centrale est un CPAS : le conseil de l’action sociale sur la base de l’article 24 de la LO ou éventuellement le bureau permanent en cas de délégation spécifique.
  • Adhésion à la centrale d'achat par le ou les pouvoirs adjudicateurs bénéficiaires.

La décision d’adhésion n’implique pas pour le pouvoir local qui y a adhéré est tenu de passer automatiquement et obligatoirement commande par cette centrale d’achat pour les fournitures, services ou travaux concernés. Sans préjudice d’une éventuelle exclusivité ou d’une éventuelle obligation auxquelles le pouvoir adjudicateur se serait engagé, celui-ci garde son autonomie et peut, s’il le souhaite, notamment passer des marchés publics par lui-même ou passer par une autre centrale d’achat à laquelle il aurait adhéré[19].

Organe compétent :

  • L’adhérent est une commune : l’adhésion à la centrale est formalisée par l’approbation de la convention par le conseil communal sur la base de l’article L1222-7, §1er, du CDLD. Des délégations sont possibles au profit du collège communal.
  • L’adhérent est un CPAS : le conseil de l’action sociale sur la base de l’article 84ter, §1er, de la LO. Des délégations sont possibles au profit du bureau permanent et des éventuels comités spéciaux.
  • Réception des conventions d'adhésion par la centrale.

Organe compétent :

  • La centrale est une commune : le collège communal est compétent pour garantir le bon déroulement du fonctionnement de la centrale. C’est donc sur la base de l’article L1123-23 du CDLD que le collège réceptionnera les conventions d’adhésion et les contresignera.
  • La centrale est un CPAS : la réception des conventions d’adhésion et le contreseing de celles-ci relèveront de la compétence du bureau permanent sur la base de l’article 27, §1er, de la LO.

2.4.2. Fonctionnement et passation des marchés

  • Etablissement des documents de marché et passation par la centrale des différents marchés publics, ou accords-cadres, destinés à répondre aux besoins du ou des membres de la centrale et, le cas échéant, aux besoins propres du pouvoir adjudicateur intervenant comme centrale.

Organe compétent :

  • La centrale est une commune : le conseil communal choisit la procédure de passation et fixe les conditions de marchés conformément à l’article L1222-3 du CDLD, sous réserve des éventuelles délégations prévues par la réglementation. En principe, le collège communal engage la procédure et attribue le marché conformément à l’article L1222-4 du CDLD.
  • La centrale est un CPAS : le conseil de l’action sociale choisit la procédure de passation, fixe les conditions de marchés, engage la procédure et attribue le marché conformément à l’article 84 de la LO sous réserve des éventuelles délégations prévues par réglementation.

Nous attirons l’attention sur deux éléments importants à prendre en compte lors de la passation des différents accords-cadres par la centrale d’achats : l’identification des bénéficiaires de ces accords-cadres et l’estimation des accords-cadres.

Concernant les accords-cadres, la directive européenne précise clairement que « les pouvoirs adjudicateurs ne devraient pas recourir à un accord-cadre dans lequel ils ne sont pas nommés. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs qui sont, dès le départ, parties à un accord-cadre spécifique, devraient être clairement désignés, soit par leur nom ou par d’autres moyens tels qu’un renvoi à une catégorie donnée de pouvoirs adjudicateurs dans une zone géographique clairement délimitée, de manière [telle] que les pouvoirs adjudicateurs concernés puissent être identifiés aisément et sans ambiguïté. De même, une fois conclu, un accord-cadre ne devrait pas être ouvert à de nouveaux opérateurs économiques. Ainsi, par exemple, lorsqu’une centrale d’achat fait usage d’un registre général des pouvoirs adjudicateurs ou de catégories de ceux-ci, tels que les collectivités locales d’une zone géographique donnée, qui sont autorisés à recourir aux accords-cadres qu’elle conclut, elle devrait procéder de manière à ce qu’il soit possible de vérifier, non seulement l’identité du pouvoir adjudicateur concerné, mais aussi la date à compter de laquelle il acquiert le droit de recourir à l’accord-cadre conclu par la centrale d’achat, étant donné que cette date détermine les accords-cadres spécifiques auxquels ledit pouvoir adjudicateur devrait être autorisé à avoir recours »[20].

Quant à l’identification des bénéficiaires lors de la passation de marchés publics, les principes de transparence et de concurrence impliquent de définir également de manière suffisamment précise l’objet du marché. Il nous semble dès lors difficilement possible de faire adhérer, en cours de marché, des bénéficiaires qui n’étaient pas suffisamment identifiables dans les documents de marché, avec pour effet d’étendre le marché à des volumes aussi considérables qu’imprévisibles au moment de la remise des offres[21].

Toujours dans cette idée de transparence, la Cour de Justice s’est exprimée à deux reprises à propos de l’estimation de l’ampleur des accords-cadres[22]. Elle a ainsi notamment dit : « les marchés fondés sur cet accord-cadre doivent être attribués dans les limites des termes fixés par celui-ci. Il s’ensuit que le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre ne saurait s’engager, pour son propre compte et pour celui des pouvoirs adjudicateurs potentiels qui sont clairement désignés dans cet accord, que dans la limite d’un certain volume et qu’une fois que cette limite aura été atteinte, ledit accord aura épuisé ses effets »[23].

Ces deux éléments importants relatifs aux accords-cadres (identification des bénéficiaires et détermination précise des besoins maximaux) ont un impact opérationnel très important tant dans la passation des accords-cadres que dans leur exécution. En effet, d’une part, au moment de lancer ses accords-cadres, la centrale d’achat devra veiller à identifier clairement les pouvoirs adjudicateurs bénéficiaires et estimer au mieux les quantités nécessaires (et pourra le cas échéant solliciter des pouvoirs adjudicateurs bénéficiaires de communiquer leurs besoins précis) et d’autre part, au moment de l’exécution de l’accord-cadre, devra monitorer les quantités commandées par chaque pouvoir adjudicateur pour éviter tout dépassement.

De manière concrète, la pratique actuelle qui se généralise consiste pour la centrale d’achat à demander aux pouvoirs adjudicateurs bénéficiaires de manifester leur intérêt pour tel ou tel accord-cadre et le cas échéant à communiquer les quantités précises nécessaires (la centrale pourrait aussi estimer elle-même et plafonner le bénéfice aux quantités ainsi prévues). La centrale d’achat collationne ainsi des informations précieuses pour le lancement de l’accord-cadre.

Les dispositions idoines du CDLD et de la LO se sont ainsi adaptées pour prendre en compte cette pratique.

                Organe compétent :

  • En ce qui concerne la commune : c’est le conseil communal qui manifeste son intérêt et peut, le cas échéant, communiquer les quantités permettant à la centrale d’achat de calibrer le futur accord-cadre, sans préjudice d’une urgence impérieuse ou d’une délégation autorisée conformément à l’article L1222-7 du CDLD.
  • En ce qui concerne le CPAS : c’est le conseil de l’action sociale qui manifeste son intérêt et peut, le cas échéant, communiquer les quantités permettant à la centrale d’achat de calibrer le futur accord-cadre, sans préjudice d’une urgence impérieuse ou d’une délégation autorisée conformément à l’article L1222-7 du CDLD.
  • Décision relative à la définition du besoin et au choix de recourir à la centrale pour le satisfaire. Il s’agit ici pour les pouvoirs adjudicateurs bénéficiaires d’activer la centrale. « La définition du besoin de la commune ainsi que la décision de remplir ce besoin par le biais de la centrale équivaut ici à la décision du choix de mode de passation et de fixation des conditions de marchés, dans une procédure classique de marché public »[24].

Organe compétent :

  • L’adhérent est une commune : L’organe compétent pour définir les besoins et décider de recourir à la centrale pour les satisfaire est le conseil communal, sur la base de l’article L1222-7 du CDLD, sous réserve d’une éventuelle délégation ou d’un cas d’urgence impérieuse.
  • L’adhérent est un CPAS : L’organe compétent sera le conseil de l’action sociale, sur la base de l’article 84ter de la LO, sous réserve d’une éventuelle délégation ou d’un cas d’urgence impérieuse.
  • La passation effective de la commande et le suivi de son exécution relèvent enfin de la compétence des organes en charge de l’exécution des marchés publics, à savoir :
  • Pour la commune : le collège communal sur la base de l’article L1222-7, §7 (sous réserve d’une éventuelle délégation).
  • Pour le CPAS : Le conseil de l’action sociale sur la base de l’article 84ter, §7, de la LO (sous réserve encore une fois d’une éventuelle délégation).

2.4.3. En résumé

Du point de vue du pouvoir adjudicateur qui souhaite recourir à une centrale d'achat, on retiendra que quatre décisions sont essentielles :

  1. une décision relative à l’adhésion à la centrale d’achats;
  2. le cas échéant, une décision relative à la manifestation d’intérêt avec éventuellement communication des quantités ;
  3. une décision relative à la définition du besoin et au choix de recourir à la centrale pour le satisfaire;
  4. une décision relative à la commande à la centrale.

Selon le cas, certaines de ces décisions pourraient être prises en même temps.

2.5. Tutelle

Sont soumis à la tutelle générale d’annulation avec transmis obligatoire 

  • les décisions d’attribution des marchés ou accords-cadres prises par la centrale selon que le montant d’attribution dépasse le seuil applicable en fonction de la procédure de passation concernée[25].

Quant à la décision de recourir à la centrale pour satisfaire un besoin et à la passation effective des commandes par les adhérents, même si, le cas échéant, elles ont pour conséquence de remettre en concurrence des soumissionnaires dans le cadre d’accords-cadres à plusieurs participants, elles doivent être considérées comme des procédures sui generis non visées par le CDLD ou la LO selon le cas et ne doivent dès lors pas être transmises à la tutelle.

2.6. Avantages et inconvénients

Avantages:

  • Obtention de meilleures conditions et stimulation de la concurrence entre les soumissionnaires ;
  • Professionnalisation des acheteurs publics via la centralisation des connaissances ;
  • Simplification administrative et économies d’échelle.

Inconvénients:

  • Opération d’une certaine complexité pour le pouvoir adjudicateur qui s’érige centrale ;
  • Compte tenu du volume des commandes, atteinte rapide des seuils de publicité qui implique le recours à des procédures de passation plus complexes ;
  • Standardisation des achats laissant moins de place à la personnalisation des commandes.

3. « In house » et coopération horizontale

3.1. Description de la synergie 

Marchés publics passés entre différentes entités et non soumis à la réglementation des marchés publics.

3.2. Références légales 

L’article 12 de la Directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et les articles 30 (in house) et 31 (coopération horizontale non institutionnalisée) de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics.

Les articles 30 et 31 de la loi transposent mutatis mutandis le texte de l’article 12 de la Directive. Ces articles doivent toujours être interprétés restrictivement.

3.3. Conditions

3.3.1. Le in house

À l’origine, le in house est une situation dans laquelle un pouvoir adjudicateur fait appel à une autre personne avec laquelle il existe un lien fort sans qu’il ne soit requis d’appliquer la réglementation des marchés publics. Ultérieurement, cette exception jurisprudentielle évolutive a donné lieu à des développements légaux.

La réglementation envisage aujourd’hui plusieurs types de situations « in house » comme exceptions à la réglementation relative aux marchés publics : le « in house simple », le « in house simple indirect », le « in house ascendant », le « in house collatéral » et le « in house conjoint ».

3.1.1 Le « in house simple » (art.30, §1er de la loi)

Un marché public passé par un pouvoir adjudicateur avec une personne morale régie par le droit privé ou le droit public n’est pas soumis à la réglementation des marchés publics pour autant que les trois conditions suivantes soient réunies :

1° L’existence d’un contrôle analogue

La première condition exige que le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. Il est réputé exercer un tel contrôle, s’il exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée.

Plusieurs facteurs sont pris en considération pour apprécier l’existence d’un contrôle analogue. Il s’agit notamment de la détention du capital de l’entité concernée, de la composition de ses organes de gestion, ou encore de l’étendue des pouvoirs de son conseil d’administration[26].

2° Le critère de l’activité

La part d’activités que doit exercer la personne morale dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle doit s’élever à plus de 80%.

Ce pourcentage est déterminé en fonction du chiffre d’affaires total moyen ou d’un autre paramètre approprié fondé sur les activités tels que les coûts supportés par la personne morale ou le pouvoir adjudicateur concerné pour ce qui est des services, fournitures et travaux pendant les trois années précédant l’attribution du marché. Néanmoins, lorsque, en raison de la date de création ou de début des activités de la personne morale ou du pouvoir adjudicateur concerné ou en raison d’une réorganisation de ses activités, le chiffre d’affaires, ou un autre paramètre fondé sur les activités tel que les coûts, n’est pas disponible pour les trois dernières années ou n’est plus pertinent, il suffit de montrer que le calcul des activités est vraisemblable, notamment par des projections d’activités.

3° L’absence de capitaux privés

La personne morale contrôlée ne peut pas comporter de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

Seules les participations directes sont interdites. Néanmoins, elles sont autorisées lorsqu’elles répondent aux trois conditions suivantes : (1) elles n’entrainent pas de capacité de blocage ou de contrôle, (2) elles sont requises par des dispositions législatives nationales et (3) ne sont pas susceptibles d’exercer une influence décisive sur ladite personne. Sont ainsi notamment visées, les participations dans des organismes publics à adhésion obligatoire, telles que les organisations chargées de la gestion ou de l’exécution de certains services publics.

Il convient en outre de préciser que « la participation privée directe dans le capital de la personne morale contrôlée constitue le seul élément déterminant. Par conséquent, le fait que le ou les pouvoirs adjudicateurs de contrôle comportent une participation de capitaux privés ne fait pas obstacle à l’attribution de marchés publics à la personne morale contrôlée »[27].

3.3.1.2. Le « in house simple indirect » (art.30, §1er de la loi)

Le contrôle prévu pour le « in house simple » peut être indirect. En d’autres termes, ce contrôle peut être exercé par une autre personne morale, qui elle-même est contrôlée de la même manière par le pouvoir adjudicateur.

3.3.1.3. Le « in house ascendant » (art.30, §2 de la loi)

Dans cette hypothèse, la personne morale contrôlée est un pouvoir adjudicateur qui passe un marché avec le pouvoir adjudicateur qui la contrôle.

Le recours au in house ascendant suppose :

1° que les conditions du in house simple soient respectées. C’est-à-dire que les trois conditions énumérées au point 3.1.1 soient respectées :

  • Le pouvoir adjudicateur contrôlant exerce sur la personne morale contrôlée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
  • La part d’activités que doit exercer la personne morale dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle doit s’élever à plus de 80%.
  • Absence de capitaux privés dans le chef de la personne morale contrôlée.

2° que la personne à laquelle le marché public est attribué (le pouvoir adjudicateur contrôlant) ne comporte pas lui non plus de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

Remarque : Pour pouvoir appliquer le in house ascendant, il est bien entendu évident que la personne morale contrôlée ne doit pas, quant à elle, exercer sur le pouvoir adjudicateur contrôlant un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et que le pouvoir adjudicateur contrôlant ne doit pas prester 80% de ses activités pour la personne morale contrôlée.

3.3.1.4. Le « in house collatéral » (art.30, §2 de la loi)

Ici, la personne morale contrôlée est un pouvoir adjudicateur qui passe le marché avec une autre personne morale contrôlée par le même pouvoir adjudicateur (une entité sœur).

Comme pour le in house ascendant, le recours au in house collatéral suppose :

1° que les conditions du in house simple soient respectées. C’est-à-dire que les trois conditions énumérées au point 3.1.1 soient respectées :

  • Le pouvoir adjudicateur contrôlant exerce sur la personne morale contrôlée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services ;
  • La part d’activités que doit exercer la personne morale dans le cadre de l’exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle doit s’élever à plus de 80%.
  • Absence de capitaux privés dans le chef de la personne morale contrôlée.

2° que la personne à laquelle le marché public est attribué (le pouvoir adjudicateur contrôlant) ne comporte pas lui non plus de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

Remarque : Pour pouvoir appliquer le in house collatéral, il est bien entendu évident que la personne morale contrôlée qui passe commande ne doit pas exercer sur son entité sœur un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services et que cette entité sœur ne doit pas prester 80% de ses activités pour la personne morale contrôlée qui passe commande.

3.3.1.5. « in house conjoint » (art.30, §3 de la loi)

Lorsque plusieurs pouvoirs adjudicateurs détiennent conjointement une entité, ceux-ci sont dispensés de respecter, dans leurs rapports avec cette entité, les règles relatives à la passation des marchés publics.

Cette exception est soumise à trois conditions :

1° l’existence d’un contrôle analogue conjoint

Le pouvoir adjudicateur doit exercer, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale concernée, analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services.

Cette exigence est satisfaite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. a) les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux ;
  2. b) les pouvoirs adjudicateurs doivent être en mesure d’exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée ;
  3. c) la personne morale contrôlée ne peut pas poursuivre d’intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent.

La règle de la représentation doit alors être interprétée en ce sens qu’elle est respectée lorsqu’un conseil d’administration d’une société est désigné par l’assemblée générale, elle-même composée de représentants de l’ensemble des autorités participantes.

2° Le critère de l’activité

Comme pour le contrôle “in house simple”, le seuil de 80% des activités a été retenu.

Pour déterminer si cette exigence est remplie, il y a lieu de prendre en considération les activités réalisées par la personne morale concernée pour les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent conjointement ou pour les autres personnes morales contrôlées par les mêmes pouvoirs adjudicateurs (ses entités sœurs).

3° L’absence de capitaux privés

A nouveau, la personne morale contrôlée ne peut pas comporter de participation directe de capitaux privés. Il est également toutefois prévu que les participations privées en capital sont autorisées s’il est satisfait aux trois conditions suivantes : elles n’entraînent pas de capacité de contrôle ou de blocage, elles sont requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités et elles ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

Les conditions prévues pour le contrôle "in house conjoint” sont donc pratiquement semblables à celles prévues pour le contrôle “in house simple”. Néanmoins, une différence doit être soulignée. Alors qu’il est permis à une personne morale contrôlée d’attribuer directement un marché public au pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou à une autre personne morale contrôlée par le même pouvoir adjudicateur, pareille possibilité n’existe pas en cas de “contrôle in house conjoint”.[28]

3.3.2. La coopération horizontale non institutionnalisée

Les contrats de coopération entre deux pouvoirs adjudicateurs permettent également de sortir du champ d’application de la réglementation relative aux marchés publics. « Cette coopération pourrait porter sur tous les types d’activités liées à l’exécution de services et à l’exercice de responsabilités confiées aux pouvoirs adjudicateurs participants ou assumées par eux, telles que des missions obligatoires ou volontaires relevant d’autorités locales. Les services fournis par les différents pouvoirs adjudicateurs participants ne doivent pas nécessairement être identiques ; ils pourraient également être complémentaires. Pour cela, il faut que trois conditions soient remplies »[29].

Premièrement, le marché doit établir ou mettre en œuvre une coopération. Cette coopération doit avoir pour but de « garantir que les services publics dont ils doivent assurer la prestation sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun ». « Elle n’exige cependant pas que tous les pouvoirs participants se chargent de l’exécution des principales obligations contractuelles, tant que l’engagement a été pris de coopérer à l’exécution du service public en question »[30].

Deuxièmement, cette coopération ne doit obéir qu’à des considérations d’intérêt public.

Troisièmement les pouvoirs adjudicateurs participants réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 %, en termes de chiffre d’affaires, des activités concernées par la coopération. Cette exigence a pour objectif de limiter les risques de distorsion de la concurrence. En d’autres termes, aucun prestataire privé de services ne peut être placé dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.

Remarquons l’absence de condition exigeant l’absence de toute participation privée. Dès lors, les pouvoirs adjudicateurs qui peuvent comporter une participation de capitaux privés, peuvent se prévaloir de l’exemption concernant la coopération horizontale. Cela étant, l'on rappellera que les contrats visés ici doivent être conclus « exclusivement entre des pouvoirs adjudicateurs », ce qui n’exclut certes pas des personnes privées, mais ayant néanmoins la qualité de pouvoir adjudicateur[31].

3.4.  Etapes de mise en œuvre

Le contrôle in house et la coopération horizontale, s’ils permettent aux pouvoirs adjudicateurs de sortir du champ d’application de la réglementation des marchés publics, restent en soi qualifiés de marchés publics.

Les modalités de la coopération (tant le in house que la coopération horizontale) entre les entités concernées seront adoptées par l’organe compétent pour choisir la procédure de passation et les conditions des marchés publics, en tenant éventuellement compte des délégations octroyées. Le suivi de l’exécution se fera également par l’organe habituellement compétent pour accomplir cette tâche.

En définitive, formellement, :

  • Pour la commune qui attribue le marché : le conseil communal choisit de passer un marché public en appliquant l’exception du in house ou de la coopération horizontale et fixe les conditions du marché conformément à l’article L1222-3 du CDLD, sous réserve d’une éventuelle délégation et de l’exception d’urgence impérieuse. Le collège communal engage la procédure, attribue le marché et assure le suivi de son exécution conformément à l’article L1222-4.
  • Pour la commune à laquelle le marché est confié : le conseil communal marque son accord pour exécuter le marché, sur la base de l’article L1122-30 du CDLD qui prévoit que le conseil règle tout ce qui est d’intérêt communal. En effet, aucune disposition légale spécifique n’envisage cette formalité.
  • Pour le CPAS qui attribue le marché : le conseil de l’action sociale choisit de passer un marché public en appliquant l’exception du in house ou de la coopération horizontale et fixe les conditions de marchés conformément à l’article 84 de la LO, sous réserve d’une éventuelle délégation et de l’exception d’urgence impérieuse. C’est également le conseil de l’action social qui communal engage la procédure, attribue le marché et assure le suivi de son exécution (sous réserve encore une fois d’une éventuelle délégation).
  • Pour le CPAS auquel le marché est confié : le conseil de l’action social marque son accord pour exécuter le marché sur la base de l’article 24 de la L.O. qui prévoit que le conseil règle tout ce qui est de la compétence du centre public d'action sociale (sous réserve d’une éventuelle délégation). En effet, aucune disposition légale spécifique n’envisage cette formalité.
  • Pour les autres entités locales, on se référera à leurs législations organiques propres.
  • En pratique, les différentes entités locales s’accordent préalablement et informellement sur les conditions de marchés et la manière dont elles vont collaborer.

    3.5.  Tutelle

    L’attribution d’un marché public passé dans le cadre d’un contrôle in house au sens de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics sont soumis à la tutelle générale d’annulation avec transmis obligatoire en cas d’attribution d’un montant excédant 75.000 € HTVA. [32]

    4.       Le subside comme outil de synergie

    Dans le cadre du développement de synergies entre communes et entités locales, il arrive fréquemment que l’autorité communale soit amenée à mettre à disposition d’une autre entité, gratuitement ou à tarif préférentiel, des bâtiments, des locaux, des véhicules, du matériel, des terrains, des infrastructures sportives, ou encore du personnel.

    L’ensemble de ces aides peuvent passer pour des "subventions" et dès lors tomber sous la coupe des articles L3331-1 et suivants du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.  Ces articles intégraient, jusqu’en 2013, la régulation prévue par la loi du 14 novembre 1983 relative au contrôle de l’octroi et de l’emploi de certaines subventions[33] à la législation wallonne. Cette loi a créé un cadre juridique permettant de contrôler l’usage fait par leurs bénéficiaires des fonds et supports alloués par les pouvoirs locaux.

    Un décret du 31 janvier 2013[34]  est cependant venu modifier ce régime des articles L3331-1 et suivants du Code[35] sortant expressément du champ d’application de ces articles les subventions octroyées par la commune au C.P.A.S. qui la dessert[36]. Fort heureusement, il a en effet été considéré que « les liens institutionnels, financiers et fonctionnels entre commune et CPAS sont tels que les avantages en nature ou en réduction de coût, éventuellement octroyés par l’un à l’autre, ont nécessairement une influence sur la dotation de la commune au CPAS, laquelle s’apparente à une dépense obligatoire non assimilable à une subvention. Dès lors, ces avantages s’inscrivent dans la logique de détermination de cette dépense obligatoire et n’ont pas lieu d’être soumis au régime juridique des subventions. En outre, ces liens particuliers sont tels que les collaborations mises en place entre les deux institutions le sont nécessairement à leurs bénéfices mutuels, impliquant de la sorte une collaboration "gagnant/gagnant" dont chacun tire nécessairement des avantages. Cela apparaît plus clairement encore à l’occasion de la mise en place de synergies entre commune et CPAS, que l’on peut comprendre comme toute coopération destinée à réaliser conjointement les missions du CPAS et de la commune, dans le cadre de l’exécution des missions qu’ils partagent ou de la mise en commun de moyens pour leur permettre d’exécuter des missions qui leur sont propres. Il serait donc d’autant moins opportun de soumettre au régime juridique des subventions celles découlant de la relation commune-CPAS »[37].

    Il peut arriver que cela soit à l’inverse le CPAS qui soit amené à mettre du matériel ou des locaux à disposition de la commune. Ici encore, le législateur est intervenu afin de sortir du champ d’application des règles prévues aux articles 135bis et suivants de la loi organique des CPAS les subventions octroyées par le C.P.A.S. à la commune qu'il dessert[38]. Ces articles constituent le pendant des articles L3331-1 et suivants du CDLD lorsque le dispensateur de la subvention est un CPAS.

    La non-application du régime juridique prévu pour les subventions entre entités locales ne devrait cependant pas empêcher la commune et le CPAS qui la dessert de formaliser leur collaboration en balisant les conditions d’octroi, notamment à travers une convention, s’ils l’estiment nécessaire.

    Enfin, lorsque l’autorité communale met à disposition d’une entité locale, autre que le CPAS, des bâtiments, locaux, véhicules, etc. il conviendra dès lors de vérifier s’il s’agit ou non d’une subvention soumise au régime juridique des articles L3331-1 et suivants du CDLD.  Pour ce faire, il y aura lieu de prendre en considération le type de pouvoir subsidiant (le dispensateur de la subvention), le bénéficiaire de l’aide et le mode de subventionnement. [39]

    Remarque

    Il convient de souligner que marchés publics et subventions sont deux procédés qui présentent des caractéristiques communes. En effet, dans ces deux hypothèses, l’autorité publique recourt à des tiers pour réaliser un objet d’intérêt communal – des travaux, des fournitures, des services –, et les deux opérations supposent le paiement d’une somme d’argent ou l’octroi d’un avantage évaluable en argent.

    Certains éléments permettent toutefois de les distinguer. Cette distinction est importante car « si l’opération est un marché, elle est alors soumise au respect de la réglementation des marchés publics, alors que tel n’est pas le cas si le procédé est une subvention, dont le mode d’attribution et d’exécution ne connaît pas un régime aussi spécifique que les marchés publics »[40].

    Le critère principal qui permet de distinguer ces deux opérations consiste à prendre en compte la corrélation entre une somme d’argent versée et une "contre-prestation". Si la somme versée constitue la contrepartie directe d’une prestation fournie au pouvoir adjudicateur, c’est-à-dire si on est en présence d’un contrat à titre onéreux, l’opération devra être qualifiée de marché public. Par contre, si cette somme d’argent est versée à fonds perdus, c’est-à-dire sans que l’autorité publique ne reçoive directement en échange une prestation productive du bénéficiaire, le procédé pourra être qualifié de subvention[41].

    L’utilité du besoin à satisfaire est également un indice de distinction[42]. « Par l’octroi d’une subvention, l’autorité publique entend encourager des activités qu’elle considère comme utiles à l’intérêt général. Lorsqu’elle conclut un marché public, elle confie à un tiers une tâche qu’elle juge nécessaire pour ses propres activités, ou dont elle éprouve la nécessité pour son propre fonctionnement »[43].

    Enfin, un critère plus récent inspiré de la pratique française consiste à prendre en considération la personne qui définit le besoin à satisfaire. « Si c’est la personne publique elle-même, il s’agit d’un marché, s’il s’agit d’un tiers qui entend bénéficier d’une intervention financière des pouvoirs publics en réunissant les conditions d’octroi de l’intervention, il s’agit d’une subvention »[44].

    Conclusion

    Les différentes formes de synergie sont nombreuses et présentent des avantages certains, à l’heure où les besoins d’économies et de professionnalisation de la commande publique se font sentir. Nul doute que les outils ici présentés seront indispensables pour les pouvoirs locaux wallons.

    [1] L. 17.06.2016, art. 2, 36° ; On relèvera une « coquille » dans la version française de cet article, qui oublie les termes « au nom ». 

    [2] Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 95

    [3] Considérant 71 de la directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 95

    [4] Loi 17.06.2016, art. 48.

    [5] P. Thiel, Mémento des marchés publics et PPP – Tome 1 : commentaire 2018, Kluwer, Waterloo, 2017, n° 373, p. 445.  

    [6] Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 96

    [7] F. Moises, A. Vandeburie, « La mututalisation des marchés publics des communes et des CPAS : marchés conjoints, délégation à la maîtrise d’ouvrage, centrale d’achats et de marchés », Rev. dr. comm., 2012/1, p.3.

    [8] Voyez ci-après le point 2.

    [9] « Signature ou non d’une convention entre les deux pouvoirs adjudicateurs, approbation ou non de l’ensemble du cahier des charges par le pouvoir adjudicateur qui désigne, détermination de la responsabilité de chacun dans le paiement des factures subséquentes à l’exécution du marché, responsabilité de chaque pouvoir adjudicateur dans l’exécution du marché, inscription de clauses suspensives ou résolutoires dans la délibération de désignation par lesquelles le marché ne pourra être conclu ou ne pourra l’être que dans le respect de certaines conditions ou circonstances par le pouvoir adjudicateur désigné, … » : Projet de décret modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation  en vue de réformer la tutelle sur les pouvoirs locaux, commentaire des articles, Doc., PW, sess. 2018-2019, n°1163/1, pp.6 et 7.

    [10] Idem, p.7.

    [11] Projet de décret modifiant certaines dispositions de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d’action sociale en vue de réformer la tutelle, commentaire des articles, Doc., PW, sess. 2018-2019, n°1164/1, p.5.

    [12] CE, 25.01.2000, n°84.828.

    [13] L. 17.06.2016, art. 2, 6°.

    [14] L. 17.06.2016, art. 2, 7°.

    [15] S. Bollen, M. Lambert, M.-L. Van Rillaer, Nouvelle réglementation des marchés publics : quels changements ?, éd. Union des Villes et Communes de Wallonie, Namur, 2017, p. 54.

    [16] Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 12.

    [17] Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 13.

    [18] Considérant 70 de la directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 94.

    [19] Projet de décret modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de réformer la tutelle sur les pouvoirs locaux, commentaire des articles, Doc., PW, sess. 2018-2019, n°1163/1, p.7.

    [20] Considérant n°60 de la directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

    [21] V. Ost, M. Vanderstraeten, « Les centrales d’achats et de marchés », Colloque du 10 octobre 2013 – La réforme du droit des marchés publics en 2013, rapport, p. 17

    [22] CJUE, 19 décembre 2018, C-216/17, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice ; CJUE, 17 juin 2021, C-23/20, Simonsen & Weel A/S contre Region Nordjylland og Region Syddanmark.

    [23] CJUE, 19 décembre 2018, C-216/17, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, point 61.

    [24] P.W. 03.11.2015 Q. n° 92 (2015-2016): Le recours des communes aux relations 'in house' et aux centrales de marchés ou d'achats ; Notons que la réponse apportée par le Ministre des pouvoirs locaux est antérieure à l’adoption des Décrets wallons du 17 décembre 2015 et du 6 octobre 2022 venus modifier le CDLD en ce qui concerne les règles de compétences en matière de marchés publics communaux et provinciaux.

    [25] Article L3122-2 du CDLD pour les communes et article 111 de la LO.

    [26] Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 60

    [27] Considérant 32 de la directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Idem, p .61.

    [28] Doc. parl., Ch., 2015-2016, 54 – 1541/001, p. 64.

    [29] Considérant 33 de la directive européenne 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

    [30] Idem.

    [31] S. Bollen, M. Lambert, M.-L. Van Rillaer, Nouvelle réglementation des marchés publics : quels changements ?, éd. Union des Villes et Communes de Wallonie, Namur, 2017, p. 27.

    [32] Art. L.3122-2, 4°, g. du CDLD et art. 111, §1er, 4°, g. de la L.O.

    [33] M.B. 6.12.1983

    [34] Décr. 31.1.2013 mod. certaines dispositions du CDLD, M.B. 14.02.2013. Entrée en vigueur: 1.6.2013.

    [35] Le titre III du livre III du Code de la démocratie locale et de la décentralisation s’intitule Octroi et contrôle de l’octroi et de l’utilisation de certaines subventions.

    [36] Art. L3331-2 du CDLD

    [37] Cf. Projet de décret modifiant certaines dispositions du CDLD, Amendements, Doc. Parl. W., sess. ord. 2012-2013, n° 699/3, p. 2. 

    [38] Art. 135ter, 5°, de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS inséré par le Décret de 31 janvier 2013.

    [39] Pour le surplus, nous renvoyons à la fiche Focus « La commune, pouvoir "dispensateur" de subventions » disponible au lien suivant et reprise sous l’onglet « la commune et ses ressources » : http://www.uvcw.be/publications/online/60.htm

    [40] P. THIEL, Mémento marchés publics et PPP 2018, Waterloo, Kluwer, 2017, p. 1119.

    [41] J. SALMON, Les subventions, Bruxelles, Bruylant, 1976, p.25.

    [42] Cour des comptes, 159° cahier d’observations présenté à la Chambre des représentants, session 2002-2003, p. 96.

    [43] P. THIEL, Mémento marchés publics et PPP 2018, Waterloo, Kluwer, 2017, p. 1124.

    [44] Idem, p.1125.

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