Au sein des communes, quel est l’organe compétent pour la passation des commandes qui résultent d’un marché-stock ?
Les articles L1222-3 et 4 du CDLD sont-ils applicables aux commandes qui résultent d’un marché-stock ? A quelle législation doit-on se référer pour la signature du bon de commande ?
D’emblée, on rappellera, comme le faisait déjà l’exposé des motifs du projet de loi ayant donné lieu à la précédente loi du 15 juin 2006, qui avait introduit la notion en droit belge, que « l’accord-cadre existe depuis longtemps en Belgique sous diverses dénominations (marchés à commandes, marchés stock, …) »[1]. Autrement dit, un marché-stock, appellation encore souvent utilisée, n’est rien d’autre qu’un accord-cadre.
En outre, on ne perdra pas non plus de vue que chaque commande passée en vertu d'un accord-cadre est en soi un marché public (souvent qualifié de « subséquent »)[2], auquel doivent donc en principe s'appliquer les règles de compétences habituelles en la matière.
Sans préjudice des possibilités de délégations de compétences du conseil communal au collège communal ou à des agents, une telle pratique était sans doute intenable. C'est la raison pour laquelle, depuis l'entrée en vigueur le 1er mars 2023 des dernières modifications apportées au Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) en la matière[3], l'article L1222-4, § 1er, al. 2, prévoit : « Le collège communal passe les marchés publics fondés sur les accords-cadres conclus. »
Autrement dit, pour la passation des marchés subséquents, le collège exerce les compétences normalement dévolues au conseil : décision de principe de passer un marché subséquent pour répondre à tel besoin, sur la base de l'accord-cadre existant, et détermination de ses conditions (pour ce qui n'est pas déjà prévu par l'accord-cadre lui-même), par exemple les quantités commandées. Et c'est bien sûr le collège qui attribue le marché.
En cas de délégation de compétences du conseil communal au directeur général, au directeur général adjoint ou à un autre fonctionnaire (à l'exclusion du directeur financier), conformément à l’article L1222-3, § 3, du CDLD, le fonctionnaire délégué est alors compétent pour prendre les décisions relevant normalement du conseil et du collège, dans la limite des seuils prévus par le CDLD et, le cas échéant, des conditions prévues par l’acte de délégation.
La question des compétences des organes en matière de marchés publics, y compris les délégations, ne doit pas être confondue avec celle de l'engagement de la dépense et de son éventuelle délégation, y compris la signature du bon de commande, conformément à l'article 56, al. 1er, du Règlement général sur la comptabilité communale (RGCC). Celui-ci prévoit : « Lorsque les dépenses peuvent être justifiées par une simple facture acceptée, le service intéressé par la dépense effectue toute commande au moyen d'un bon de commande acté dans la comptabilité budgétaire et visé par le collège communal. »
Qu’est-ce que cela signifie pratiquement ? En règle, c’est le collège communal qui est compétent pour procéder à l’engagement d’une dépense[4]. Néanmoins, « afin de permettre un système de délégation pour résoudre les problèmes de gestion quotidienne, le Gouvernement a introduit une exception […]. L’intention a donc été clairement de permettre une délégation vers différents responsables de service. Cette possibilité doit […] faire l’objet d’une délibération du collège désignant le ou les responsables de service et balisant le cadre de celle-ci »[5]. Quant à la formalité du visa du collège, « la mention ‘’préalablement à son envoi’’ a été volontairement retirée, car son maintien aurait annulé de facto tout intérêt à la délégation. Il n’en reste pas moins que l’obligation de visa du collège a été maintenue, même si, en cas de délégation, elle s’effectue a posteriori »[6].
Pour permettre à un agent seul de passer commande en vertu d'un accord-cadre préalablement passé dans le respect des règles de compétences prévues par les articles L1222-3 et L1222-4 du CDLD, il convient donc que cet agent, d'une part, ait obtenu délégation du conseil à l'ordinaire et/ou à l'extraordinaire, dans la limite des seuils prévus par l'article L1222-3, § 3, du CDLD, et, d'autre part, qu'il ait obtenu délégation d'engagement conformément à l'article 56 du RGCC, à hauteur au moins de la délégation de compétences en marchés publics, lui permettant ainsi de signer le bon de commande et l'envoyer sans avoir préalablement obtenu le visa d'engagement du collège, ce visa pouvant intervenir a posteriori.
A défaut, c’est le collège communal (mais lui seul, sans devoir d’abord passer par le conseil communal), qui sera compétent pour la passation et l’attribution des marchés subséquents ainsi que l’engagement des dépenses correspondantes.
[1] Doc. parl., Ch., 2005-2006, n° 51-2237/001, p. 23.
[2] L. 17.6.2016, art. 2, 35°.
[3] E. Bavay, « Nouvelles règles de compétences et de tutelle en matière de marchés publics et de concessions : vers la simplification administrative », Mouv. comm., 2/2023, pp. 50-61, https://www.uvcw.be/marches-publics/articles/art-7733.
[4] RGCC, art. 53.
[5] Ph. Brognon, « La réforme du règlement général de la comptabilité communale », in Réforme comptable et nouveaux outils d’analyse financière pour les communes et les CPAS wallons, Dexia, 2008, p. 37.
[6] Ibid., p. 38.
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Marchés publics : Elodie Bavay - Marie-Laure Van Rillaer - Mathieu Lambert
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