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Mis en ligne le 5 Juin 2023

Avec ses associations-sœurs flamande et bruxelloise, la VVSG et Brulocalis, l’Union des Villes et Communes de Wallonie vient d’interpeller le Premier Ministre, en charge des marchés publics, sur les velléités du gouvernement de réduire les actuels délais de vérification (30 jours) et de paiement (30 jours) à un unique délai de traitement de 30 jours.

La Commission des marchés publics a été amenée à examiner un avant-projet d’arrêté royal modifiant l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics, en vue d’adapter les règles de paiement. De nombreuses remarques, tant sur le fond que sur la forme, ont été émises par notre représentant ainsi que les autres représentants des pouvoirs adjudicateurs. Le texte final, destiné – nous le supposons – à être présenté en intercabinet, nous a récemment été communiqué et nous devons constater que rien n’a changé sur le fond.

L’objectif est de supprimer le double délai – de vérification d’une part, de paiement d’autre part – pour ne plus appliquer qu’un seul et unique délai comprenant à la fois les opérations de contrôle de conformité et autres vérifications, et les opérations de paiement, le tout sous 30 jours.

Il s’agirait là de se conformer à l’arrêt du 20 octobre 2022 rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire C-585/20. Selon la Cour, en effet, les règles européennes s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, pour toutes les transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, un délai de paiement d’une durée maximale de 60 jours civils, y compris lorsque ce délai est composé d’un délai initial de 30 jours pour une procédure d’acceptation ou de vérification de la conformité des marchandises ou des services fournis avec le contrat, suivi d’un délai supplémentaire de 30 jours pour le paiement du prix convenu.

Pourtant, l’article 4, paragraphes 3 et 5, de la directive 2011/7 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales prévoit bien (nous soulignons) :

« 3. Les États membres veillent, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, à ce que : […]

iv) lorsqu’une procédure d’acceptation ou de vérification, permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, est prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l’acceptation ou de la vérification, trente jours civils après cette date ; […]

5. Les États membres veillent à ce que la durée maximale de la procédure d’acceptation ou de vérification visée au paragraphe 3, point a) iv), n’excède pas trente jours civils depuis la date de réception des marchandises ou de prestation des services […]. »

Pour le surplus, les conclusions de l’Avocat général étaient pourtant claires et, surtout, conformes à la directive précitée, de sorte que la CJUE aurait été bien inspirée de les suivre.

Face à un tel arrêt pour le moins surprenant et – peut-on l’espérer – isolé, on devait s’interroger quant à l’opportunité de modifier la réglementation belge aussi vite, sans attendre que cette jurisprudence soit ou non confirmée.

L’avant-projet d’arrêté royal prévoit certes la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de déroger à la règle et d’allonger le délai unique de vérification et de paiement dans des conditions très strictes (comparables aux conditions habituelles de dérogation aux règles générales d’exécution) : les documents du marché doivent expressément prévoir une durée plus longue ; cette dérogation doit être objectivement justifiée par la nature particulière ou les caractéristiques du marché et, à peine de nullité, faire l'objet d'une motivation formelle dans le cahier spécial des charges ; le délai unique de vérification et de paiement ne peut dépasser 60 jours (ce qui correspond à la règle actuelle, tirée de la directive européenne précitée) ; et cette prolongation ne peut pas constituer, à l’égard de l’adjudicataire, un abus manifeste.

Ce faisant, les règles applicables en matière de marchés publics deviendraient plus strictes que celles prévues par la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, applicables entre opérateurs économiques ainsi qu’aux marchés publics auxquels les règles générales d’exécution ne s’appliquent pas. Cela n’a aucun sens, dans la mesure où cette loi transpose – correctement ! – la même directive 2011/7.

C’est surtout un leurre de penser qu’interpréter la jurisprudence de la CJUE et modifier les règles générales d’exécution dans le sens annoncé va, en pratique, accélérer le traitement des paiements. Les pouvoirs adjudicateurs, notamment locaux, qui dépensent ainsi de l’argent public, doivent prendre le temps nécessaire à la vérification de la conformité des travaux entrepris ou des fournitures ou services commandés (souvent d’ailleurs en devant recourir à un prestataire extérieur, s’agissant à tout le moins des travaux). Les législateurs compétents ont instauré des règles de compétences et des procédures de paiement strictes, par lesquelles les mandataires contrôlent l’administration et le directeur financier/le receveur contrôle ceux-là.

Si l’avant-projet d’arrêté royal devait être maintenu en l’état, les pouvoirs adjudicateurs – certainement les pouvoirs adjudicateurs locaux – iraient au-devant de conséquences désastreuses. D’une part, avec l’exigence de motivation d’une éventuelle dérogation au regard de « la nature particulière ou les caractéristiques du marché », on crée une nouvelle source de contentieux.

D’autre part, puisque dans les faits le délai de paiement (comprenant désormais le délai de vérification) ne pourra pas être plus court (ou à peine) que ce que prévoient les règles actuelles, les montants des intérêts de retard dus aux adjudicataires (sans mise en demeure, d’ailleurs) pourraient exploser, diminuant d’autant la capacité des pouvoirs adjudicateurs locaux à pourvoir à des dépenses de fonctionnement et d’investissement au travers de futurs marchés publics. Finalement, ce sont les opérateurs économiques qui vont bénéficier du meilleur placement qui soit, avec un taux de 10,5 % actuellement !

Une autre solution est pourtant possible, conforme à la directive européenne précitée : comme cela a été proposé par certains membres en Commission des marchés publics, afin de répondre à la CJUE, puisque, semble-t-il, il le faut, les règles générales d’exécution pourraient habiliter les pouvoirs adjudicateurs à prévoir dans les documents de marché un délai de vérification de 30 jours au maximum, préalable au délai de paiement de 30 jours au maximum, sans autres formalités, sans donc en faire une dérogation devant être spécialement motivée.

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Date de mise en ligne
5 Juin 2023

Matière(s)

Marchés publics
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