SLSP – Protection des lanceurs d’alerte
Le 15 décembre dernier, a été publiée au Moniteur belge[1], la loi du 28 novembre 2022 sur la protection des personnes qui, dans un contexte professionnel, ont eu connaissance de violations au droit de l'Union ou au droit national et qui signalent ces violations.
Champ d’application personnel
Ce texte qui transpose la directive européenne 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 s’applique aux entités juridiques du secteur privé définies comme toutes entités dotées ou non de la personnalité juridique qui exercent une ou plusieurs activités déterminées, à l’exception des organisations ou des activités qui relèvent d’autres lois particulières relatives à la protection des auteurs de signalement[2].
L’article 6, §7, de la loi ajoute que ses dispositions s’appliquent aussi aux entités qui relèvent des entités fédérées dans la mesure où une question n’est pas réglées par la législation des régions et des communautés et relève de la compétence de l’Etat fédéral.
A notre connaissance, aucune autre réglementation adoptée ou en projet ne s’applique expressément aux sociétés de logement de service public agréés par la Région wallonne.
En conséquence, il convient de considérer que la loi du 28 novembre 2022 est applicable aux SLSP.
Champ d’application matériel
Une violation au droit de l’Union ou au droit national est un acte ou une omission illicite qui a trait aux domaines suivants :
- Marchés publics ;
- Services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ;
- Sécurité des transports ;
- Protection de l’environnement ;
- Radioprotection et sûreté nucléaire ;
- Sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux ;
- Santé publique ;
- Protection des consommateurs ;
- Protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d’information ;
- Lutte contre la fraude fiscale ;
- Lutte contre la fraude sociale.
Les violations portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne et celles relatives au marché intérieur sont également visées par la loi précitée.
Le législateur européen identifie trois canaux de signalement : le signalement interne, le signalement externe et la divulgation publique. Nous n’aborderons que les canaux de signalement internes dès lors qu’il appartient aux employeurs de les mettre en place.
Etablissement de canaux de signalement internes
Afin de permettre une protection des auteurs de signalement d’une violation, le législateur impose aux sociétés occupant plus de 50 travailleurs[3] de mettre en place des canaux de signalement internes[4].
Après consultation des partenaires sociaux (Conseil d’entreprise, CPPT, délégation syndicale ou travailleurs eux-mêmes), l’employeur devra désigner une personne ou un service pour recevoir et assurer un suivi des signalements. La fonction de ces personnes et/ou services doit présenter des garanties suffisantes d’indépendance et l’absence de conflits d’intérêts.
Les canaux de signalement internes doivent au moins permettre aux travailleurs de signaler une violation du droit de l’Union ou du droit national. Toutefois, les sociétés peuvent également rendre ces canaux accessibles aux indépendants, aux actionnaires et membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance, y compris les membres non exécutifs, aux bénévoles, aux stagiaires, aux contractants, sous-traitants et fournisseurs qui sont en contact avec l’entité dans le cadre de leurs activités professionnelles et aux anciens travailleurs.
La procédure de signalement à établir doit comprendre les éléments suivants :
1. L’établissement de canaux de réception des signalements
Ces canaux doivent être conçus, établis et gérés d'une manière sécurisée qui garantir la confidentialité de l'identité de l'auteur de signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement et qui empêcher l'accès auxdits canaux par des membres du personnel non autorisés. Ces canaux permettent d'effectuer des signalements par écrit ou oralement, ou les deux. Il est possible d'effectuer des signalements oralement par téléphone ou via d'autres systèmes de messagerie vocale et, sur demande de l'auteur de signalement, par le biais d'une rencontre en personne dans un délai raisonnable ;
2. L’accusé de réception
Un accusé de réception du signalement doit être adressé à l'auteur de signalement dans un délai de sept jours à compter de cette réception.
3. La désignation d'un gestionnaire de signalement
Le gestionnaire peut être la même personne ou le même service que celle ou celui qui reçoit les signalements et qui maintiendra la communication avec l'auteur de signalement et, si nécessaire, lui demandera d'autres informations et lui fournira un retour d'informations. Les commentaires des articles du projet de loi précisent que le gestionnaire de signalement peut être un responsable de la conformité, un responsable juridique, un responsable ressources humaine, un responsable financier ou encore un responsable de l’audit interne.
4. Un suivi diligent par le gestionnaire de signalement, en ce compris pour les signalements anonymes.
5. Un retour d’information
Un délai raisonnable pour fournir un retour d'informations, n'excédant pas trois mois à compter de l'accusé de réception du signalement ou, à défaut d'accusé de réception envoyé à l'auteur de signalement, trois mois à compter de l'expiration de la période de sept jours suivant le signalement ;
6. Des informations claires et accessibles
La mise à disposition d'informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement externe au coordinateur fédéral et aux autorités compétentes en vertu de l'article 15 et, le cas échéant, aux institutions, organes ou organismes de l'Union.
Par ailleurs, l’établissement du canal de signalement doit être porté à la connaissance des travailleurs de manière claire et transparente.
L’identité de l’auteur du signalement ne peut pas être divulgué à toute autre personne que celle(s) compétente pour réceptionner et assurer le suivi du signalement sans le consentement exprès et libre de celui-ci.
Enfin, les traitements effectués dans ce cadre doivent respecter les dispositions du RGPD.
Parallèlement, des canaux de signalement externes devront également être établis par les autorités nationales désignées par arrêté royal.
Contenu de la protection
L’article 23 de la loi du 28 novembre 2022 précitée interdit toute mesure de représailles à l’égard de l’auteur d’un signalement. A titre d’exemples, la loi qualifie de représailles, un licenciement, un refus de promotion ou une évaluation négative.
Précisons toutefois que ces mesures de représailles sont interdites dès lors qu’elles sont exclusivement fondées sur le signalement de la violation. Il reste néanmoins permis de prendre une de ces mesures à l’égard d’un auteur de signalement pour autant qu’elles soient justifiées par des motifs étrangers à la qualité de lanceur d’alerte. A défaut pour l’employeur de pouvoir démontrer la réalité des motifs étrangers, il s’expose à des sanctions financières (dommages et intérêts) mais également aux sanctions prévues par le Code pénal social[5].
[1] L. 28.11. 2022 sur la protection des personnes qui signalent des violations au droit de l’Union ou au droit national constatées au sein d’une entité juridiques du secteur privé, M.B., 15.12.2022, p. 97213.
[2] L.28.11.2022, art. 7, 15°.
[3] Ce seuil est calculé au regard de la moyenne des travailleurs occupés dans l’entreprise au sens de l’art. 14 de la L. 20.9.1948 portant organisation de l’économie et de l’art. 49 de la L. 4.8.1996 rel. au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail telle que calculée sur la base de l’art. 6, § 1er, de la L. 4.12.2007 rel. aux élections sociales.
[4] La loi fixe l’échéance au 17.12.2023 pour les sociétés employant entre 50 et 249 travailleurs.
[5] L. 28.11.2022, art. 33, §2 : « sont punis d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 600 à 6.000 euros ou d’une de ces peines seulement les entités juridiques du secteur privé, les membres de leur personnel, ainsi que toute personne physique ou morale qui :
a) Entrave ou tente d’entraver le signalement ;
b) Exerce des représailles contre les personnes visées à l’article 6 ;
c) Intente des procédures abusives contre les personnes visées à l’article 6 ;
d) Manque à l’obligation de préserver la confidentialité de l’identité des auteurs de signalement, telle qu’elle est visée à l’article 20. »
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28.11.2022 Loi sur la protection des personnes qui signalent des violations [...] au sein d’une entité juridique du secteur privé
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