La réforme de la fonction publique locale wallonne (RGB)
I. Introduction
Les autorités locales sont, en matière de fonction publique, confrontées à un double défi : le coût du statut et le manque d’attractivité de la fonction publique locale.
Le régime statutaire engendre en effet un coût important pour les pouvoirs locaux, qu’il leur devient de plus en plus difficile d’assumer :
- en coût patronal, un agent nommé engendre une charge de 52,98%[1] pour son employeur, en cotisations pension et ONSS (sans compter la cotisation de responsabilisation, le maintien du traitement pendant les absences parfois de longue durée, etc.). Un agent contractuel présente quant à lui un coût patronal de 28,86%[2];
- en matière de pension, sans une réforme profonde du mécanisme actuellement exclusivement autoporté par les employeurs locaux, la charge qui doit être assumée par les pouvoirs locaux augmente de façon inquiétante:
- que ce soit à (très) court terme : par le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie;
- ou à moyen, voire long terme : les autorités locales qui espèrent procéder à des économies en échappant à une facture de responsabilisation en ayant recours à de nouvelles nominations se créent une charge supplémentaire dans un système coûteux de pension (cf. ratio de remplacement de 69 % pour un statutaire vs 43 à 54 % pour un contractuel)[3].
A cela s’ajoutent des aspects plus spécifiquement liés au manque de flexibilité du statut.
Ces différents éléments expliquent le recours de plus en plus fréquent au régime contractuel en pouvoir local.
Mais se pose un double problème :
- la situation contractuelle, qui ne concerne rien de moins que 81,9 % du personnel local wallon désormais[4], n’est pas appréhendée par la réglementation wallonne, qui est essentiellement constituée de circulaires visant principalement les agents statutaires ;
- et force est de constater que la fonction publique locale n’est pas suffisamment attractive.
Si le législateur wallon n’est pas compétent en matière de financement des pensions (du premier pilier), il peut agir sur la carrière en pouvoir local, en tentant de la rendre plus attractive et d’augmenter la motivation du personnel, et sur la prise en compte de la réalité de terrain en matière de nature du lien de travail. C’est dans cette optique que s’inscrivent les décrets qui ont été adoptés le 13 mars 2024 par le Parlement wallon[5].
II. Développements thématiques
Rompant avec la tradition bien ancrée du recours à des circulaires non contraignantes, les décrets dont il sera ici question constituent le premier corps de règles à valeur légale régissant un ensemble de thématiques en matière de fonction publique locale, que nous nous proposons d’analyser ci-après.
A. Âge de départ à la retraite - Modifications de la Nouvelle Loi communale (art. 24 et 49 décr. CDLD ; art. 15 et 38 décr. L.O.)
Jusqu’au 10 janvier 2024, date d’adoption au Parlement wallon des décrets modifiant, d’une part l’article L1212-4 CDLD[6] et, d’autre part l’article 42/1 L.O. CPAS[7], l’article 158 de la Nouvelle Loi communale était libellé comme suit :
"Les agents des communes sont mis à la retraite à l'âge déterminé par des règlements généraux, cet âge devant être au minimum soixante ans et au maximum soixante-cinq ans.
Le même âge maximum est appliqué nonobstant toutes autres dispositions législatives et réglementaires contraires régissant le régime des pensions du personnel soumis au présent chapitre excepté pour le personnel visé à l'article 238 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, pour lequel cet âge maximum est fixé à 4 ans après l'âge de la mise en congé préalable à la retraite, sans toutefois pouvoir excéder 60 ans".
En ce qu’il portait la possibilité pour les pouvoirs locaux d’octroyer un départ à la pension à partir de 60 ans, l’article 158 de la Nouvelle Loi communale avait été implicitement abrogé par l’article 46 de la loi du 15 mai 1984, qui porte des dispositions spécifiques en matière de départ anticipé à la pension (i.e. avant 65 ans) : en effet, en vertu de l’article 46 précité, l’âge légal de la pension est désormais de 65 ans et sera de 66 ans en 2025, et de 67 ans en 2030. Les conditions du départ à la pension anticipée (63 ans et 42 ans de carrière minimum, ou 61 et 43 ans ou encore 60 et 44 ans) sont également fixées par la loi de 1984 et demeurent de compétence fédérale.
Comme l’a précisé la section législation du Conseil d’Etat dans son avis n°53.568/3 du 18 juillet 2013, la compétence fédérale porte sur la détermination des conditions minimales d’ouverture du droit à la pension. Les entités fédérées (Régions) sont quant à elles compétentes pour déterminer les conditions à respecter pour qu’un agent statutaire reste au travail en cette qualité au-delà de l’âge légal du départ à la pension. L’autorité régionale wallonne est donc compétente pour fixer, par décret, les conditions dans lesquelles un agent statutaire peut être admis à travailler au sein d’une autorité locale en qualité d’agent nommé.
Le 10 janvier 2024 donc, ont été adoptés deux décrets (l’un modifiant le CDLD, l’autre modifiant la loi organique des CPAS) abrogeant, sauf pour ce qui concerne le personnel de la police et des pompiers (ils relèvent exclusivement de la compétence fédérale), l’article 158 précité et intégrant, dans le CDLD et la loi organique des CPAS, une disposition permettant à l’agent statutaire - qui le souhaite - de solliciter l’autorisation du conseil communal / conseil de l’action sociale de rester en activité, en cette qualité d’agent nommé, au-delà de l’âge légal de la pension, et ce pour une période maximale d’une année, renouvelable une seule fois. La compétence d’autorisation de maintien au travail peut être déléguée au collège/bureau permanent. La compétence du conseil d’administration en la matière (pour les intercommunales et les associations chapitre XII) peut aussi être déléguée.
Cet article L1212-4 CDLD tel que modifié en janvier 2024 sera désormais repris, sans nouvelle modification, à l’article L1212-14 CDLD (pour les intercommunales, il s’agira de l’art. L1523-44). L’article 42/1 de la loi organique des CPAS modifié en janvier 2024 sera quant à lui repris, tel quel, dans le nouvel article 42/12 de la loi organique des CPAS (128/16 pour les associations chapitre XII).
B. Description de fonction (art. 8 et 36 décr. CDLD; art. 3, par. 4, et 26 décr. L.O.)
Les descriptions de fonction étaient d’application depuis l’adoption de la circulaire "Pacte – recrutement" du 2 avril 2009 qui précisait que "l’autorité compétente établit un descriptif de fonction sur proposition du secrétaire. Ce profil décrit de manière précise la mission et les tâches principales de la fonction à pourvoir ainsi qu’un profil de compétence qui englobe le savoir, le savoir-faire et le savoir-être (caractéristique de la personnalité)".
L’autorité régionale entend rendre désormais obligatoires les descriptions de fonction au sein des pouvoirs locaux (sont visés les communes, CPAS, RCA, associations chapitre XII, intercommunales, provinces et régies provinciales), en imposant en outre leur intégration dans l’appel public à candidatures.
Elles sont définies comme suit :
"Une description de fonction est élaborée pour tous les métiers de l’administration. Elle est arrêtée par le directeur général/fonction dirigeante locale après concertation au sein du comité de direction.
La description de fonction contient la mission, la finalité ou l’objectif de la fonction, les tâches principales ainsi que l’ensemble des compétences professionnelles et des aptitudes personnelles requises pour correspondre au métier".
Relevons que ces dispositions sont insérées dans le chapitre I (Dispositions générales) du Titre Ier (Personnel communal) du Livre II du CDLD (Administration de la commune) et non dans le nouveau chapitre II (Cadre et statut général du personnel). En effet, les descriptions de fonction ne font pas partie du statut général du personnel et ne constituent pas un acte réglementaire : elles ne seront donc pas soumises à l’exercice de la tutelle administrative, ni à la négociation ou concertation syndicale.
Raisonner autrement reviendrait à admettre un mécanisme de cogestion entre employeur et syndicats en privant l’autorité locale-employeur de la possibilité d’identifier la nature du métier à exercer et les tâches qui en découlent en fonction des besoins du service public. Il s’agit là d’une compétence exclusive de l’employeur dont les organisations syndicales auront tout le loisir de contrôler la régularité de l’exercice, en aval (au cas où un agent se plaindrait de ce que son descriptif de fonction n’est pas en accord avec le grade qui lui a été attribué par exemple) et non en amont dans une forme de co-construction des besoins de l’employeur.
Il est bien évident que cette précision ne portera pas atteinte au droit des entités locales qui décideraient, en autonomie, de discuter de la teneur de ces descriptifs avec les représentants des travailleurs, de procéder à cet échange si elles le souhaitent.
Mentionnons enfin qu’un amendement a été adopté en Commission des Pouvoirs locaux afin de limiter la charge administrative qui aurait résulté de l’application du texte dans sa version initiale : il est désormais prévu que les descriptions de fonction devront être élaborées (au plus tard) au moment de pourvoir à l’emploi concerné, que ce soit par recrutement classique ou par promotion : cette précision évitant à l’administration de devoir élaborer en une fois les descriptions de fonction relatives à l’ensemble des métiers exercés au sein de l’entité locale.
C. Le plan de formation (art. 9 et 37 décr. CDLD; art. 3, par. 5, et 27 décr. L.O. CPAS)
Est également rendu obligatoire en qualité d’outil RH le plan de formation, dont la mise en place avait déjà été encouragée, dans une optique de réflexion globale et structurante en matière de gestion des ressources humaines, par la circulaire du 5 juillet 2019.
Il est ainsi défini : "Le plan de formation est un programme pluriannuel, actualisé annuellement, qui identifie et priorise les besoins en formation en vue de rencontrer les objectifs de l’administration".
L’ensemble des pouvoirs locaux seront donc amenés à mettre en place cet outil RH qui sera concerté en comité de direction puis adopté par le collège/BP/conseil d’administration après proposition du DG/DG CPAS/fonction dirigeante locale. Le plan de formation, qui devra identifier le budget nécessaire, sera ensuite communiqué aux organisations syndicales représentatives.
A l’instar des descriptions de fonction, rappelons que le plan de formation n’est pas un instrument soumis à tutelle administrative ou à négociation ou concertation syndicale.
D. Le cadre du personnel (art. 11 décr. CDLD ; art. 4 décr. L.O.)
Une nouvelle définition du cadre est apportée pour d’une part uniformiser les règles au sein des pouvoirs locaux (les CPAS pouvaient disposer d’un cadre contractuel, alors que le cadre communal n’était prévu que pour le personnel statutaire) et, d’autre part, mettre fin aux difficultés d’interprétation qui avaient cours sur le terrain, en l’absence d’une définition précise de cette notion
Désormais, le cadre contiendra tous les emplois identifiés comme nécessaires pour le bon fonctionnement de l’administration, que ces emplois soient ou non pourvus, et quelle que soit leur nature juridique : sont donc visés tant les emplois statutaires que contractuels. Le but poursuivi étant de disposer d’une vision globale des besoins humains nécessaires pour accomplir les missions et projets que s’est fixés l’autorité locale.
Ne doivent cependant pas figurer au cadre les emplois contractuels pourvus dans le but d’accomplir une mission spécifique de durée limitée.
S’il fut un temps question d’appliquer cette obligation aux intercommunales, RCA et associations chapitre XII, cette option a finalement été écartée.
Devront figurer au cadre le nombre de postes prévus par grade/fonction et l’échelle barémique y attachée, étant entendu que ce sont les grades de recrutement ou de promotion qui doivent être renseignés, pas les grades qui sont la conséquence de l’évolution de carrière individuelle des agents (un poste d’ouvrier qualifié D2 est prévu au cadre et est valablement occupé par un ouvrier qualifié qui, par évolution de carrière, a désormais un grade D3).
Les décisions fixant ou modifiant le cadre sont soumises à concertation syndicale et approbation de l’autorité de tutelle. Les décisions des CPAS en la matière sont en outre soumises au comité de concertation commune-CPAS (art. 26bis L.O.).
Toute modification du cadre inclut une évaluation budgétaire de son impact.
Commentaires
On connaît l’évolution de l’emploi local avec la part de plus en plus importante de l’emploi contractuel (presque 82 % du personnel local). Au risque de devenir un instrument désuet, la notion de cadre devait être revue pour tenir compte de la réalité de terrain. Il nous semble donc judicieux qu’y figurent désormais les emplois contractuels à vocation permanente.
Cet instrument doit cependant demeurer un outil de gestion du personnel, permettant de définir les besoins de l’administration, sans devenir un frein à cette saine gestion. Il ne faudrait pas que la lourdeur d’adoption ou de révision du cadre empêche les autorités locales de s’adapter à une réalité changeante et à l’apparition de nouveaux besoins, ou de nouvelles missions qui seraient confiées par les autorités supérieures au secteur local. Au sein de certains services, des emplois sont à créer dans un délai relativement rapide pour rencontrer des conditions de subvention. La mission est spécifique, mais la durée pas nécessairement limitée. C’est le cas par exemple des emplois non marchands en secteur public. On peut certes commencer par un CDD. Cependant, le CDI peut-être un argument pour convaincre un candidat dont le profil ou la qualification est relativement rare. En CPAS, une personne de référence pour la démence et un tuteur énergie sont des exemples.
Si la possibilité de recruter des emplois contractuels à durée limitée pour des missions spécifiques hors cadre est à saluer, nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas bloquer l’administration qui, face à un événement imprévu, n’a pu anticiper la nécessité d’engager du personnel non prévu au cadre et pour des hypothèses dépassant le cas de la durée limitée dans des missions spécifiques. Une nouvelle répartition des compétences, de nouvelles missions confiées aux Régions pourraient occasionner, par répercussion, des tâches nouvelles pour les pouvoirs locaux qu’ils n’auront pu anticiper lors de la fixation du cadre. Nous estimions dès lors qu’une exception devait être prévue pour permettre aux autorités locales d’engager « hors cadre », et même pour une durée indéterminée, dans le cas de nouvelles subventions ou de missions nouvelles qui seraient confiées au secteur local par une autorité supérieure, charge ensuite aux pouvoirs locaux de mettre leur cadre en conformité sans tarder à la suite des nouveaux engagements intervenus.
C’est la raison pour laquelle nous accueillons avec satisfaction l’ajout d’un paragraphe 3 aux nouveaux articles L1212-1 CDLD et 42/1 L.O. précisant que « Lorsque des emplois contractuels à pourvoir concernent une mission nouvelle confiée par une autorité supérieure, la modification du cadre peut intervenir après l’engagement de l’agent, moyennant ratification ».
Nous pensons en outre que l’obligation de fixer un cadre afin de prévoir les besoins actuels et futurs en termes de personnel ne s’accommode pas de la situation spécifique d’organismes tels que les intercommunales qui, par la nature de leur activité et par leur position concurrentielle avec le secteur privé, doivent pouvoir faire preuve d’une grande réactivité en matière de gestion du personnel. Il est donc heureux que l’obligation de fixer un cadre du personnel statutaire et contractuel ne soit finalement pas rendue applicable aux intercommunales, ni aux associations chapitre XII ou aux RCA.
E. Le statut général du personnel (art. 12 et 39 décr. CDLD ; art. 5 et 28 décr. L.O.)
Les termes « statut », « statut du personnel », « statut administratif et pécuniaire » sont utilisés dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation et la loi organique des CPAS sans jamais être définis.
Le statut, en tant que corps de règles régissant la situation administrative et pécuniaire des membres du personnel, est en principe uniquement applicable aux agents nommés. Ce statut (administratif et pécuniaire) est cependant rendu applicable au personnel contractuel : il est en effet extrêmement difficile, en termes de GRH, d’appliquer deux régimes distincts à des agents qui effectuent le même type de tâches au quotidien. Pour ne pas multiplier les procédures à l’envi, ne pas risquer de créer un sentiment de discrimination ou tout simplement pour éviter les erreurs, la majorité des autorités locales appliquent, dans les faits, les mêmes règles de gestion du personnel dès que c’est possible.
Les nouveaux décrets prévoient désormais les thématiques qui, dans le respect de leur autonomie, devront être adoptées par les autorités locales et figurer au « statut général du personnel » et qui s’appliqueront donc à l’ensemble des membres du personnel, statutaire ou contractuel.
Il faudra ainsi que ce statut général vise :
- les conditions requises pour être recruté comme membre du personnel statutaire ou comme membre du personnel contractuel ainsi que les procédures et les épreuves y relatives (par épreuves sont visés les examens écrits, oraux, pratiques ou les candidatures répondant au statut) ;
- la détermination, la répartition, la classification et l’équivalence des grades, emplois ou fonctions ;
- les droits et devoirs des membres du personnel, les incompatibilités et interdictions ainsi que les règles et procédures relatives aux cumuls avec d’autres fonctions ou emplois ;
- les règles et les procédures disciplinaires ;
- les mesures d’ordre ;
- les règles et les procédures d’évaluation ;
- les règles et les procédures de transfert, de mobilité, de mission ou de toute autre forme de réaffectation vers d’autres services ;
- les règles et les procédures de promotion, de tout avancement ou progression de carrière ainsi que celles relatives à l’exercice de fonctions supérieures ;
- les positions administratives, les circonstances qui les déterminent et leurs conséquences sur la situation des membres du personnel, en ce compris le régime des congés et de mises en disponibilité ;
- les causes de cessation de la relation statutaire ;
- les éléments de la rémunération ;
- les conditions d’octroi, les bénéficiaires et indemnités relatives au télétravail lorsqu’il est organisé ;
- les protections contre la violence et le harcèlement moral et sexuel.
Dès lors que le conseil de l’action sociale doit adopter un statut général du personnel identique à celui de la commune (sauf pour le personnel spécifique au CPAS), il est prévu que le collège communique au conseil de l’action sociale le statut général du personnel et ses modifications dès la réception de la décision d’approbation de ceux-ci par l’autorité de tutelle.
Les conditions pour permettre l’accès et la consultation du statut par les membres du personnel sont également prévues.
Commentaires
Avec cette disposition, on assiste à une reconnaissance effective des contractuels dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, ce qui est une première et doit être salué.
Une définition large de la notion de membre du personnel est désormais portée par les articles L1212-3[8] et L1523-29 CDLD, et les articles 42, paragraphe 1er, et 128/1 L.O. CPAS.
Dans les « éléments de rémunération » sont visés les échelles barémiques et leur développement en échelons, les indemnités et leurs conditions d’octroi, les allocations et avantages de toute nature, en ce compris les pensions complémentaires. Il est en outre prévu que les éléments de rémunérations sont fixés notamment « selon l’importance des attributions, le degré de responsabilité, les aptitudes générales et professionnelles requises et la place occupée par les membres du personnel dans la hiérarchie de l’administration ». Il est en outre précisé que le conseil communal n’est pas compétent pour fixer les éléments de rémunération de ceux dont le traitement est fixé « par la Première partie du présent Code »[9] ou par la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l’enseignement.
Ces précisions ne nous semblent donc pas faire obstacle à ce que, dans la poursuite des objectifs de performance des services rendus au citoyen et d’attractivité de la fonction publique locale, les employeurs publics locaux, dans le respect des principes généraux de droit administratif et moyennant notamment des critères objectivables dans le cadre de l’évaluation, décident de mettre en œuvre une procédure de gratification des agents faisant montre, collectivement ou individuellement, d’une implication, d’un savoir-être et de performances particulièrement positifs pour le bon fonctionnement de l’organisation, la mise en œuvre de ses missions et la réalisation de ses stratégies.
Rappelons enfin que ce regroupement des règles qui s’appliqueront indistinctement aux contractuels et aux statutaires, dans le cadre du statut général du personnel, continuera à se heurter à certaines difficultés : il convient évidemment de continuer à composer avec l’ensemble des règles de droit du travail et de droit social au sens large qui s’imposent dans le cadre de la relation contractuelle, mais il faut également composer avec les vides juridiques qui découlent de l’existence de conventions collectives de travail (CCT) négociées avec les partenaires sociaux du secteur privé, dispensant le législateur d’adopter une norme légale dans les domaines concernés, mais inapplicables aux contractuels du secteur public. Il nous semble dès lors utile d’insister sur le fait que, dans une seconde étape, il sera judicieux d’aller plus loin pour élaborer un corps de règles davantage doté de complétude en envisageant les situations qui ne sont actuellement pas réglées pour les contractuels du secteur public local.
F. L’organe compétent pour le recrutement/la nomination/le licenciement (art. 14 et 40 décr. CDLD ; art. 6 et 29 décr. L.O.)
Le conseil (communal/d’action sociale/d’administration pour les intercommunales et associations chapitre XII) est compétent pour le recrutement et la nomination du personnel statutaire ; il peut cependant déléguer cette compétence (au collège /BP ou comités spéciaux/organe délégué sur base de L1523-18 CDLD), sauf pour ce qui concerne le personnel enseignant.
Pour le personnel contractuel, le même type de délégation pour le recrutement est également possible.
Sont désormais ajoutées les conditions dans lesquelles une délégation de compétence en matière de licenciement est autorisée : il est ainsi prévu que l’acte de délégation devra indiquer expressément le type d’acte que peut prendre le collège (ou BP ou organe délégué, selon les cas), à savoir la rupture du contrat de travail de façon unilatérale moyennant préavis ou non, avec indemnité ou non, pour motif grave, ou la rupture du contrat de travail de commun accord avec le membre du personnel.
En cas d’usage de la délégation, information devra être assurée par le Collège / Bureau au Conseil qui a délégué.
Commentaires
Cette précision à valeur légale s’est avérée nécessaire à la suite d’une décision de jurisprudence (Cour Trav. Mons, 18.1.2022, n° 2020/AM/228) qui avait condamné un employeur local à la suite d’un licenciement pour motif grave opéré par le collège, sur délégation générale et en l’absence de base légale expresse.
Dans l’affaire concernée, le collège avait bien reçu délégation pour engager et licencier (ce que vérifie la tutelle en cas de litige), mais la Cour estime que c’est une délégation générale (de licenciement) qui avait été prévue alors qu’il eût fallu une délégation « spéciale et expresse » de licencier pour motif grave Madame X. En d’autres termes, alors qu’on est justement dans une procédure qui doit être menée rapidement et que c’est ici que prend tout son sens une délégation à l’organe exécutif qu’est le collège plutôt que de passer par une procédure plus longue de convocation du conseil communal, la Cour estime qu’une délégation expresse (donc individuelle ?) devait être donnée par le conseil au collège pour lui permettre de licencier pour motif grave. Cette décision impliquant la nécessité de réunir le conseil pour lui permettre de prendre une délibération déléguant au collège la compétence de licencier pour motif grave dans un délai très court. Cette obligation de passer par un examen du dossier par le conseil fait perdre tout intérêt à la délégation.
L’introduction d’une disposition légale expresse permet de conférer une plus grande sécurité juridique en matière de décision de rupture du lien contractuel et correspond à la demande que nous avions formulée auprès du Cabinet de Monsieur le Ministre dans le cadre des travaux en matière de simplification administrative.
À noter que, plutôt qu’agir par délégation du conseil vers le collège, une autre option aurait pu être de confier la compétence exclusive du licenciement au collège : telle est l’option qui a été adoptée par la Région bruxelloise qui a modifié l’article 123 de la Nouvelle Loi communale par une ordonnance du 17 juillet 2020 qui prévoit désormais expressément que le collège est (exclusivement) compétent pour procéder au recrutement (mais le conseil reste compétent pour fixer les conditions générales du recrutement) et au licenciement. Auparavant, la compétence du collège se déduisait de la compétence du collège de « surveiller les employés salariés de la commune », ce qui a posé des problèmes d’interprétation en jurisprudence pour la compétence ultime de licencier. D’où l’adoption de cette ordonnance en 2020.
Plutôt que de maintenir un mécanisme de délégation que la Cour du travail de Mons a récemment écorné, peut-être serait-il plus judicieux et juridiquement sécurisé de plutôt confier, par le biais du décret, la compétence exclusive du recrutement et du licenciement (de tout type de licenciement) au collège (au bureau permanent pour les CPAS), tout en maintenant au sein du conseil la compétence de fixer les conditions générales de recrutement, à l’instar de ce qui fut décidé en Région bruxelloise.
L’attribution de la compétence exclusive du recrutement au collège/BP permettrait en outre de faire face aux difficultés vécues sur le terrain, et singulièrement au niveau de certains services des CPAS, tels que les maisons de repos et les services d’aide aux familles : dans une maison de repos, pour faire face à la continuité des soins, le recrutement d’un membre de personnel doit être fait dans certains cas de façon très rapide. Un engagement dans de courts délais peut aussi être nécessaire pour respecter les normes de financement. De façon analogue, un service d’aide aux familles peut avoir besoin à bref délai d’une aide familiale. A défaut, une personne ne sera pas aidée. Il peut être demandé à un autre travailleur de prester plus dans ce genre de cas. Ce n’est pas toujours possible. En outre, cela implique un surcoût en termes de sursalaire. Cet état de fait est particulièrement dommageable dans un contexte de pénurie où les candidats sont rares et restent peu longtemps disponibles.
A notre estime, pour les recrutements et les licenciements, le collège/BP s’impose comme l’instance la plus adéquate.
Qu’à cela ne tienne, l’adoption d’une norme en la matière est une bonne chose. La jurisprudence qui se développera dans le cadre de litiges futurs amènera peut-être à se reposer la question de la pertinence de désormais confier la compétence exclusive au collège/BP.
G. Principes à respecter dans le cadre d’un recrutement (art. 15 et s., 41 et s. décr. CDLD ; art. 7 et s., 31 et s. décr. L.O.)
1) L’appel public
Sont visés tant les recrutements statutaires que contractuels.
Les recrutements sont effectués sur base d’un appel public à candidatures comprenant au moins un descriptif de fonction, la nature juridique de l’emploi à conférer, les conditions d’accès et le barème prévu par le statut général du personnel.
Les modalités de publicité sont prévues par le statut. Peuvent être exceptés de l’obligation de procéder à un appel public les recrutements contractuels à effectuer en cas d’urgence impérieuse, les recrutements sous CDD de moins d’un an et les recrutements rendus nécessaires pour répondre à une obligation légale.
Commentaires
D’autres situations que les cas d’urgence impérieuse, ou de CDD de moins d’un an, nécessitent une désignation/un recrutement en urgence : s’il faut remplacer un DG ou un DF absent ou malade, il n’est pas toujours possible de désigner un agent en interne (manque d’agents, refus d’assumer les responsabilités qui découlent de la fonction, etc.). Le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, la loi organique – et plus généralement la nature même de la fonction – imposent qu’un DG ou un DF faisant fonction soient en place rapidement, ce qui ne s’accommode pas d’une procédure de recrutement lourde nécessitant un appel public et une procédure qui prendra du temps. Dans ce cas, une exception devait être admise, et de façon générale dans toute hypothèse où le poste doit être pourvu rapidement, en vertu d’une disposition légale ou réglementaire (grade légal, personnel de soins pour répondre à des normes de financement, etc.)
Nous saluons donc l’introduction de cette dernière exception relative aux recrutements qui sont rendus nécessaires pour répondre à une obligation légale. Dans un souci de continuité de service, les contrats de remplacement devraient également figurer parmi les exceptions, même si on peut s’accorder sur le fait que la plupart des contrats de remplacement peuvent déjà entrer dans une des catégories d’exception visées ci-avant.
2) La commission de sélection
Pour chaque recrutement, une commission de sélection est constituée, dont la qualité des membres sont fixés par le statut général du personnel. Le collège (ou le BP/la fonction dirigeante locale) détermine le nom des membres effectifs et suppléants de la commission de sélection, sur proposition du directeur général.
Commentaires
La composition de la commission peut être variable en fonction de la nature du recrutement. Il nous semble important que dans certains cas, elle puisse se résumer à la seule personne du directeur général, par exemple pour un contrat de remplacement, afin de permettre une certaine flexibilité, ce que ne semble pas exclure le texte commenté.
3) La présence d’observateurs
Les organisations syndicales représentatives ont la qualité d’observateurs pour tout recrutement : il s’agit d’une obligation issue de la loi sur le statut syndical.
Il est désormais prévu dans le texte que « Si la demande en est formulée, bénéficie d’office de la qualité d’observateur un représentant des groupes politiques appartenant ou n’appartenant pas au Pacte de majorité ».
Les observateurs ne prennent pas part aux délibérations de la commission de sélection.
Bien que le texte ait évolué entre le vote en commission et le vote en séance plénière[10], il nous semble que la présence d’observateurs politiques (sur simple demande) n’empêche pas l’autorité locale de prévoir, dans son statut, la présence d’un membre du collège ou du conseil au sein de la commission de sélection (en tant que membre plein et entier et pas en qualité de simple observateur).
4) Les dispenses
Le statut général du personnel peut dispenser un candidat au recrutement d’une partie des épreuves si l’intéressé démontre avoir réussi le même type d’épreuve pour une fonction équivalente au sein d’un autre pouvoir local, en ce compris une zone de police ou une zone de secours.
Commentaires
En l’absence d’un régime de mobilité organisé par le législateur wallon (l’autorité locale pourra l’instituer, en autonomie, cf. infra), ce mécanisme de dispense permet de faciliter le transfert d’un agent d’une autorité locale à une autre sans tomber dans l’excès de concurrence entre entités locales.
Dans cette optique et pour éviter tout abus, il a été judicieusement prévu par le texte décrétal que l’autorité qui instaure un régime de dispense doit fixer, dans son statut, le délai maximal endéans lequel les épreuves doivent avoir été initialement réussies au sein d’une autre entité. Cela nous semblait indispensable compte tenu de l’évolution des métiers, et de l’obsolescence des compétences vérifiées.
H. L’accès à la promotion (art. 19 et 45 décr. CDLD ; art. 11 et 34 décr. L.O.)
Lorsqu’un emploi accessible par promotion est déclaré vacant par l’autorité compétente, un appel à candidatures est lancé au sein du personnel statutaire. À défaut de candidat ou de lauréat statutaire, l’appel à candidatures est lancé au sein du personnel contractuel.
Commentaires
Jusqu’à présent, l’accès aux emplois de promotion n’était pas ouvert aux agents contractuels, l’autorité de tutelle régionale estimait en effet que seuls les agents statutaires pouvaient être promus. Cela pose un réel problème de gestion et de motivation du personnel, dès lors que seuls 20 % des agents locaux (statutaires) peuvent ainsi espérer obtenir une promotion.
Comme le souligne Eric Hannay[11] « cette situation tient au caractère supposé temporaire et/ou accessoire des fonctions qui leur sont confiées dans le cadre des hypothèses exceptionnelles visées par la réglementation actuellement en vigueur ».
Notons cependant que le caractère théoriquement temporaire et exceptionnel des engagements contractuels est largement battu en brèche par un examen de la pratique : il suffit pour s’en convaincre de consulter la proportion de contractuels au sein des pouvoirs locaux actuellement et d’examiner, au sein de ceux-ci, le nombre d’agents qui exercent, dans le cadre de contrats à durée indéterminée, des emplois permanents au sein de l’administration.
Force est toutefois de constater que l’autorité de tutelle a longtemps estimé irrégulier cet accès des contractuels aux emplois de promotion, énonçant qu’ils « sont des emplois permanents impliquant une certaine responsabilité dans le chef de leur titulaire ; que de tels emplois sont par nature liés notamment à la loi du changement et à la stabilité de l’emploi ; dès lors, ces emplois sont incompatibles avec l’utilisation du contrat de travail ».
Désormais, l’autorité régionale entend se départir de la recommandation qui était la sienne dans le cadre de la RGB (révision générale des barèmes) et en vertu de laquelle « L’ancienneté d’échelle exigée pour postuler un emploi de promotion est limitée aux seuls services accomplis en qualité d’agent statutaire définitif dans l’administration provinciale ou locale où l’emploi de promotion est à pourvoir ».
Sans totalement abandonner sa conception de la primauté du statut et donc en ménageant tout de même une forme de droit de priorité des agents statutaires à la promotion, l’autorité régionale admet désormais que les agents contractuels aient accès à ces emplois de promotion, tout en conservant leur qualité d’agent contractuel.
Si nous saluons cette évolution qui tient compte de la réalité à laquelle sont confrontées les autorités locales, il nous semble néanmoins judicieux de s’interroger sur la pertinence d’encore maintenir cette distinction selon la nature du lien de travail, qu’il soit statutaire ou contractuel : l’intérêt de l’autorité locale n’est-il pas de désigner à un poste à responsabilité l’agent qui, par son expérience et par ses résultats lors de l’épreuve de promotion, aura démontré qu’il est le plus compétent, peu importe la nature du lien juridique existant ?
Dans un premier temps[12] avait été envisagé un mécanisme de double liste. En vertu de celui-ci, un appel à promotion était lancé au sein du personnel statutaire et contractuel (en même temps). À l’issue de l‘épreuve de promotion, les lauréats devaient être classés dans deux listes distinctes, selon qu’ils sont statutaires ou contractuels. Le conseil communal, ou le collège communal (en cas de délégation), était alors amené à désigner le lauréat appelé à occuper l’emploi vacant, en puisant, par priorité, dans la liste statutaire.
En renonçant à ce mécanisme de double liste, l’autorité régionale tente d’éviter cet important écueil consistant à mettre les autorités locales dans la situation inconfortable les amenant à devoir justifier – le cas échéant – pourquoi un agent statutaire qui aura réussi avec un minimum de points est préféré à un contractuel qui aura excellé lors de l’épreuve de promotion. En effet, il ressort de la version finale du texte que l’abandon de la double liste impose aux pouvoirs locaux de d’abord réaliser l’examen de promotion pour les seuls statutaires (pour autant qu’il y ait des agents nommés qui postulent) avant de procéder à l’épreuve pour les contractuels[13]. Mais ce faisant, on expose les autorités locales à de nouvelles difficultés : le temps perdu d’une part (on double la durée de la procédure, ce qui est néfaste pour la continuité du service public), le coût engendré d’autre part (un nouvel examen, distinct du premier, doit être mis en place, un nouveau jury convoqué, etc.).
Tout aussi délicate aurait été la situation de l’autorité locale qui s’est déjà vu accorder, dans le passé, par l’autorité de tutelle régionale, la possibilité de prévoir l’accès aux emplois de promotion à ses agents contractuels (c’est le cas de plusieurs intercommunales) mis ainsi sur un pied d’égalité avec les agents statutaires : l’instauration, désormais, d’un droit de priorité pour les agents statutaires aurait constitué, pour ces autorités locales et leur personnel, un véritable recul. Raison pour laquelle – et c’est heureux – le principe de priorité statutaire n’est pas applicable aux intercommunales, ni aux associations chapitre XII.
On comprend d’autant moins le maintien d’un mécanisme de primauté statutaire au sein des communes, CPAS et RCA que le Conseil d’Etat reconnaît, par l’avis de sa section législation, la compétence de l’autorité régionale à mettre sur un pied d’égalité statut et contrat. En lui demandant de mieux motiver cette exigence de droit de priorité mis en place par le mécanisme initial de double liste au regard du principe d’égalité et de non-discrimination, la section législation laissait dans les faits le choix à l’autorité régionale : assurer la parfaite égalité de chaque agent dans le cadre d’une procédure de promotion, ou affirmer – en le justifiant – un droit de priorité à la promotion. C’est la seconde option qui a été retenue dans le texte voté au Parlement wallon, option qui n’est pas exempte de tout risque sur le plan juridique, dès lors qu’un agent contractuel pourrait s’estimer victime d’un traitement inégalitaire s’il compare sa situation, d’une part, à un agent statutaire et, d’autre part, à la situation qui serait la sienne si son employeur public n’était pas une commune, un CPAS ou une RCA, mais une intercommunale ou une association chapitre XII.
I. Régime de mobilité (art. 1, 2 et 20 décr. CDLD ; art. 12 décr. L.O.)
Les décrets abrogent les arrêtés royaux n° 490 du 31 décembre 1986 (A.R. imposant aux communes et aux CPAS le transfert d’office de certains membres de leur personnel) et n° 519 du 31 mars 1987 (A.R. organisant la mobilité volontaire entre les membres du personnel statutaire des communes et des CPAS qui ont un même ressort).
Les autorités locales (communes et CPAS) ont désormais la possibilité – sans que ce soit une obligation, donc – de définir dans le statut général du personnel un régime de mobilité des membres du personnel avec selon le cas, le CPAS ou la commune du même ressort. Ce régime de mobilité, s’il est mis en place, vaut pour les emplois de grades équivalents. La procédure de mobilité peut être préalable ou non à une procédure de recrutement.
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L’abrogation des arrêtés royaux précités nous semble une bonne chose : tant l’arrêté royal 490 (inusité et dépassé) que le 519, en ne s’appliquant qu’aux agents statutaires, n’étaient plus cohérents avec les nouveaux régimes de recrutement et de promotion mis en place par les futurs décrets.
L’autorité régionale permet à la commune de mettre en place, en autonomie, un régime de mobilité avec le CPAS du même ressort, sans obligation et sans droit de priorité. L’agent transféré conserve le même type de relation juridique avec son nouvel employeur qu’avec l’ancien (contractuel ou statutaire).
J. L’évaluation (art. 21 et 46 décr. CDLD ; art. 13 et 35 décr. L.O.)
Jusqu’à présent, le Code de la démocratie locale et de la décentralisation précisait uniquement que le conseil fixe les conditions et procédure d’évaluation des agents. L’évaluation est désormais mieux définie – afin notamment de mettre l’accent sur son rôle premier d’outil de gestion des ressources humaines – et imposée à l’ensemble des pouvoirs locaux.
Il est désormais prévu que :
« Art. L1212-11. §1er. L’évaluation est un instrument de gestion des ressources humaines qui, dans le cadre d’un dialogue entre l’autorité et le membre du personnel, permet de dresser un bilan du travail accompli et de son développement professionnel dans la fonction qu’il occupe.
§2. Chaque membre du personnel est évalué conformément au régime fixé par le statut général du personnel. Celui-ci fixe les critères de référence qui permettent d’évaluer chaque membre du personnel quant à l’atteinte des objectifs qui lui sont fixés, la procédure à suivre et les délais y relatifs, ainsi que les mentions d’évaluation et leurs effets sur la situation administrative et pécuniaire du membre du personnel.
L’évaluation de chaque membre du personnel est réalisée par le supérieur ou les supérieurs hiérarchiques.
§3. Lorsque l’évaluation n’a pas été réalisée dans les quatre mois suivant la date de l’échéance fixée par le statut général du personnel, celle-ci est réputée favorable et ses effets rétroagissent à la date de l’échéance.
Le statut général du personnel peut fixer des modalités particulières lorsque le membre du personnel est absent durant tout ou partie de la période d’évaluation et/ou durant les quatre mois qui suivent la date d’échéance de l’évaluation » (dispositions similaires pour les CPAS, les intercommunales et les associations chapitre XII).
Quand l’évaluation a un impact juridique, cela doit être prévu dans le statut général du personnel (impacts sur la situation administrative ou pécuniaire).
Commentaires
Le texte s’inspire du statut des grades légaux (réformé en 2013) pour désormais réputer favorable l’évaluation qui n’aurait pas été réalisée dans les quatre mois de sa date d’échéance.
Comme le précise l’article 76 du texte, le mécanisme consistant à réputer favorable l’évaluation non réalisée dans les quatre mois de sa date d’échéance ne vaudra que pour les évaluations dont la date d’échéance est fixée après la date d’entrée en vigueur du décret.
En réputant favorable une évaluation qui n’a pas été réalisée dans les quatre mois de sa date d’échéance, on évite aux agents de subir les conséquences notamment pécuniaires de cette absence d’évaluation.
Il nous semble cependant judicieux que cette automaticité soit suspendue lorsqu’une période de prestations est insuffisante pour évaluer au mieux les prestations effectives de l’intéressé : c’est le sens du dernier alinéa du texte commenté. Une période d’absence pour maladie de longue durée, pour congé pour stage, pour convenances personnelles, etc. sont autant de périodes qui, sans ce dernier alinéa, entraîneraient une évaluation réputée favorable alors qu’il n’aura pas été possible – vu l’absence de l’agent qui sera peut-être entretemps de retour au travail depuis une très brève période – de se fonder sur des prestations effectives de l’intéressé.
Dans ce cas, il est loisible à l’autorité locale de prévoir dans son statut des modalités de report du délai.
À notre estime, il serait opportun que ces modalités tiennent compte de la durée de l’absence pour reporter (de 6 mois, d’un an) la date d’échéance de l’évaluation afin qu’elle puisse effectivement jouer son rôle d’outil de gestion des ressources humaines. Selon le cas et en fonction de la nature de l’absence (selon qu’elle est subie par l’agent – par exemple en cas de maladie de longue durée – ou qu’elle est choisie par celui-ci – par exemple si l’agent a sollicité un congé pour convenance personnelle), il pourrait par exemple être prévu que les effets de l’évaluation rétroagissent à la date initiale d’échéance (maladie) ou non (congé sollicité par l’agent).
De façon générale, les textes ne touchent pas aux mécanismes existants d’évaluation : tant l’évaluation (et sa grille) prévue par la circulaire RGB de 1994 que la procédure d’évaluation issue des circulaires en lien avec le Pacte (2009) continuent à coexister, et ne sont pas exemptes de toute critique.
Il nous semblerait donc judicieux de revoir le mécanisme d’évaluation. Ainsi, le système d’évaluation, tel que recommandé dans le cadre de la circulaire wallonne du 2 avril 2009, recèle divers points positifs (tenue d'entretiens intermédiaires pour éviter de laisser empirer une situation considérée comme problématique, nécessité pour l’évaluateur d’avoir suivi une formation à l’évaluation, fixation – avec pondération – de critères généraux devant être rencontrés par l'agent évalué, obligation pour l'évaluateur de justifier l'appréciation chiffrée accordée en regard de ces critères, possibilité pour l'agent évalué de faire valoir ses observations, etc.).
Le mécanisme proposé est cependant loin d’être parfait :
- l’autorité locale devrait avoir la possibilité d’affiner les critères généraux (critères qui devraient idéalement être prévus dans un décret) afin de préciser concrètement, en fonction du métier exercé, dans quelle mesure le critère général concerné sera considéré comme rempli par l’agent évalué ;
- la grille d’évaluation prévue par la circulaire RGB et celle issue du Pacte pour une fonction publique locale solide et solidaire devraient être revues ou laissées à l’appréciation de l’autorité locale ;
- la détermination, par l’autorité locale, d’objectifs individuels à remplir par la personne évaluée devrait être rendue possible ;
- il serait en outre important de pouvoir intégrer le mécanisme en un tout cohérent, favorisant les performances de l’organisation, en lien avec le PST, ainsi que l’évolution personnelle des agents ;
- par ailleurs, il ne nous semble pas judicieux de multiplier à l’envi le nombre de mentions positives (au sens large) ;
- afin de permettre la mise en œuvre de l’inaptitude professionnelle, d’éviter le piège du nombre impair de critères (mention centrale utilisée comme valeur refuge pour l’évaluateur qui ne veut pas trancher) et de permettre une éventuelle distinction des agents qui sont particulièrement performants, il serait nécessaire de retenir à l’avenir, par exemple, les critères suivants : très positif, positif (ou satisfaisant), réservé et insuffisant ;
- dans le but d’encourager la performance et éviter un nivellement par le bas, il nous semblerait par ailleurs qu'une évaluation ne devrait être considérée comme positive (ou satisfaisante) que si, dans un système de cotation arithmétique, elle correspond à une cote de 60 % et plus. Dans l’autre sens, il nous semble que le professionnalisme, la compétence et la prise de responsabilités devraient être mieux récompensés par davantage de souplesse sur la rémunération ou le rythme d’évolution de carrière.
La question de l’autorité compétente pour fixer l’évaluation mériterait également d’être examinée : l’autorité politique, qui ne mène pas les entretiens et ne voit pas nécessairement fonctionner l’agent au quotidien, doit-elle continuer à agir comme organe décisionnel de l’évaluation ou celle-ci devrait-elle être désormais confiée au chef du personnel qu’est le DG, pour éventuellement réserver une mission d’organe de recours interne au collège/BP ?
K. La mise de personnel statutaire à disposition d’utilisateurs (art. 22 et 48 décr. CDLD ; art. 14 et 37 décr. L.O.)
Les décrets instaurent, en l’encadrant, la possibilité pour les autorités locales de mettre du personnel statutaire à disposition d’utilisateurs[14].
La mise à disposition doit poursuivre un objectif de défense des intérêts communaux/du CPAS/de l’intercommunale/de l’association chapitre XII selon le cas.
Les utilisateurs concernés sont limitativement énumérés. Sont visés : les communes, les provinces, les intercommunales, les centres publics d’action sociale, les associations régies par le chapitre XII L.O. CPAS, les zones de secours, les zones de police, les régies autonomes, les établissements de culte, les sociétés de logement et les ASBL.
Une habilitation du Gouvernement est prévue pour désigner d’autres utilisateurs potentiels en cas de circonstances urgentes et impérieuses.
Le membre du personnel mis à disposition d’un utilisateur conserve sa qualité de membre du personnel statutaire de son employeur pendant toute la durée de la mise à disposition et demeure soumis au statut général du personnel. Pendant la mise à disposition, il conserve son droit à participer aux procédures d’avancement de rémunération, de grade ou de carrière prévues dans le statut général. Pendant la mise à disposition, l’agent est réputé être en activité de service.
La mise à disposition est formalisée dans une convention écrite conclue entre l’autorité locale et l’utilisateur, dans laquelle sont précisées les conditions et la durée de la mise à disposition, la nature de la mission, et les éléments de la rémunération.
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Faute de règles en la matière, c’était jusqu’à présent le statut du personnel qui devait intégrer cette possibilité de mise à disposition, ce qui impliquait de respecter les procédures de négociation et de tutelle administrative. Désormais, grâce à cette disposition décrétale, l’autorité locale qui désirerait mettre un agent statutaire à disposition devra simplement formaliser la manœuvre via une délibération du conseil adoptant la convention de mise à disposition.
Nous saluons la possibilité d’étendre l’autorisation de mise à disposition à d’autres utilisateurs « hors liste », par le Gouvernement, en cas de circonstances urgentes et impérieuses : nous avons tous en tête les difficultés vécues pendant la période covid et celle des inondations où il a parfois fallu faire preuve de beaucoup d’imagination pour pouvoir gérer la situation sur le terrain. La mise à disposition de personnel local pour aider à l’encodage des dossiers d’admission dans les hôpitaux, les possibilités de fournir un appui humain et logistique à des entreprises qui produiraient ou distribueraient des masques sont autant d’exemples qui montrent l’intérêt de telles extensions du champ d’application de la mise à disposition, car dans ces conditions, c’est l’intérêt, la sécurité et la salubrité publics qui sont en jeu, et la nature privée ou publique de l’utilisateur potentiel n’a alors que peu d’importance.
Attirons également l’attention sur les conventions de mise à disposition qui seront en cours au moment de l’entrée en vigueur des décrets et qui, à ce moment, n’en respecteraient pas toutes les conditions : il a ainsi été prévu une période transitoire pendant laquelle ces conventions mises en œuvre avant ladite entrée en vigueur doivent pouvoir se poursuivre jusqu’à leur terme[15].
Saluons en outre les démarches de Monsieur le Ministre des Pouvoirs locaux à l’égard de Monsieur le Ministre fédéral de l’Emploi aux fins de voir adopter les mesures qui permettront de compléter et de rendre complètement effectives les possibilités de mise d’agents contractuels des pouvoirs locaux à disposition d’utilisateurs sur la base de la loi du 24 juillet 1987 et/ou de l’article 144bis de la Nouvelle Loi communale, en faisant donc adopter un arrêté d’exécution de l’article 48 de la loi de 1987 et en étendant la liste des utilisateurs potentiels prévus par l’article 144bis de la Nouvelle Loi communale dans l’objectif d’y inclure, entre autres, les régies communales autonomes et les intercommunales.
L. Droit aux allocations des agents statutaires (art. 23 décr. CDLD)
Le texte reprend la teneur de l’article L1212-3 du Code de la démocratie et de la décentralisation, afin de le repositionner à un nouvel article L1212-13. Le législateur a, à cette occasion, supprimé l’ancienne référence au pécule de vacances familial, notion issue de la nouvelle loi communale, qui ne correspondait plus à aucune réalité juridique.
Cet article est ainsi libellé :
« Art. L1212-13. Les membres du personnel statutaire bénéficient, dans les mêmes conditions que le personnel des services publics fédéraux, des allocations suivantes :
1° les allocations de foyer et de résidence,
2° les allocations familiales,
3° le pécule de vacances.
Sans préjudice de l'application de l'alinéa 1er, le montant du pécule de vacances correspond à nonante-deux pour cent d'un douzième du traitement ou des traitements annuels, liés à l'indice des prix à la consommation, qui déterminent le ou les traitements dus pour le mois de mars de l'année des vacances ».
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Le Code de la démocratie locale et de la décentralisation renvoie actuellement, pour l’octroi du pécule de vacances et l’allocation de foyer/résidence, à l’application du régime fédéral, de telle sorte que toute augmentation décidée au niveau de l’Etat fédéral pour ses propres agents impacte directement les pouvoirs locaux sans qu’aucune concertation avec le niveau local ne puisse avoir lieu.
À titre d’illustration, lors du remplacement de l’ancien arrêté royal du 30 janvier 1979 par celui du 13 juillet 2017, la nouvelle réglementation fédérale a impliqué, pour les pouvoirs locaux, un passage automatique d’un pécule pouvant se situer entre 65 et 92 % à un pécule désormais obligatoirement fixé à 92 %, imposant ainsi une dépense nouvelle à ceux des pouvoirs locaux qui n’avaient pas encore atteint les 92 %.
C’est d’ailleurs ce type de mesure (et celle concernant l’augmentation de l’allocation de fin d’année des agents fédéraux) qui a convaincu le législateur wallon de reprendre la norme pour ce qui concerne les mandataires locaux en adoptant l’AGW du 22 novembre 2018 fixant le pécule de vacances et la prime de fin d'année des bourgmestres et échevins, pour désormais supprimer cette liaison au régime fédéral.
Nous estimons qu’il aurait été judicieux de profiter de l’occasion pour délier le régime applicable au niveau local du régime fédéral de pécule de vacances et d’allocation de foyer/résidence pour se prémunir des futures décisions à la hausse au niveau fédéral qui empêchent toute concertation avec le niveau local. A l’instar de ce qui fut adopté pour les mandataires locaux, un arrêté du Gouvernement wallon fixant les modalités d’octroi du pécule de vacances et de l’allocation de foyer/résidence prendrait tout son sens.
M. Les dispositions rendues applicables aux RCA (art. 26 décr. CDLD)
Il découle du nouvel article L1231-15 que les RCA ne sont pas soumises à l’obligation d’adopter un cadre du personnel, ni (logiquement) au régime de mobilité commune – CPAS : «A l’exception des articles L1212-1 et L1212-10, le chapitre II du Titre Ier est applicable aux régies communales autonomes » : seront donc applicables aux RCA les obligations de fixer un statut général du personnel, d’adopter des descriptifs de fonction et plans de formation, de respecter les modalités objectives de recrutement et les principes d’évaluation. Leur seront aussi applicables les principes de promotion (avec droit de priorité aux statutaires), les autorisations de mise à disposition du personnel statutaire et les possibilités de continuer à travailler, de façon volontaire, au-delà de l’âge légal de la pension.
Parmi les dispositions du chapitre II rendues applicables aux RCA figurent toute une série de mesures qui, au niveau de la commune, prévoient une possibilité de délégation du conseil au collège (en matière de recrutement ou de licenciement, ou de désignation des membres de la commission de sélection par exemple). Or, on ne peut pas vraiment réaliser de parallèle entre le binôme conseil/collège et celui du CA/bureau exécutif d’une RCA (bureau exécutif qui n’est d’ailleurs pas toujours institué). La question se pose alors de savoir dans quelle mesure il ne serait pas nécessaire d’introduire une disposition supplémentaire prévoyant que les compétences envisagées par le décret sont exercées par le conseil d’administration de la RCA et que, le cas échéant, les décisions pouvant être déléguées par le conseil communal au collège communal peuvent être déléguées par le conseil d’administration au bureau exécutif (si institué).
N. Les dispositions rendues applicables aux intercommunales
Sont rendues applicables aux intercommunales (en les réécrivant, parfois quasiment à l’identique, pour des raisons de légistique et de cohérence du Code) les dispositions prévues pour les communes et portant sur :
- le régime du personnel (statutaire ou contractuel) ;
- la nécessité d’adopter un organigramme et d’instituer un comité de direction (ces obligations préexistaient au décret, elles constituent une nouvelle obligation pour les intercommunales[16] – art. 34 et 35 décr. CDLD) ;
- la nécessité d’adopter les descriptifs de fonction, un plan de formation (art. 36 et 37 décr. CDLD : voy. nos commentaires y relatifs ci-avant) ;
- les principes de fixation du statut général du personnel ;
- les règles à observer dans le cadre de la procédure de recrutement ;
- l’accès à la promotion des agents contractuels (mais sans droit de priorité pour les statutaires) ;
- l’évaluation ;
- la mise d’agents statutaires à disposition d’utilisateurs tiers (au sein d’une liste limitativement énumérée) ;
- la possibilité de demeurer au travail au-delà de l’âge légal de la pension, sur base volontaire.
Ces différents points ont fait l’objet de commentaires ci-dessus, nous y renvoyons pour davantage de détails.
C’est avec satisfaction pour le secteur des intercommunales que nous avons vu évoluer le texte du projet de décret, tant était grande l’inquiétude de celles-ci face à la perte de flexibilité que risquait d’entraîner la présente réforme.
Les intercommunales sont des entreprises, techniques, de service, certes publiques, mais en concurrence directe avec les entreprises du secteur privé. Face à cette concurrence, les intercommunales wallonnes réclament un maximum de souplesse dans leur mode de fonctionnement, sous peine de ne plus pouvoir répondre aux demandes, notamment, de la Région : les appels à projets laissant des délais courts obligent à recruter rapidement pour répondre aux attentes des autorités supérieures, ce qui ne s’accommode pas de la lourdeur d’une procédure de sélection et de recrutement nécessitant appel public, commission de sélection, épreuves multiples, etc. C’est d’autant plus vrai pour le recrutement de personnel hautement qualifié : le secteur des intercommunales éprouve énormément de difficultés à recruter des profils spécifiques (tels qu’ingénieurs ou architectes) ; si les procédures sont trop lourdes, les candidats ont tôt fait d’aller voir ailleurs, et singulièrement du côté du secteur privé, beaucoup plus réactif en la matière.
Nous avons souligné l’importance de ne pas imposer la tenue d’un cadre du personnel pour les intercommunales et sommes heureux d’avoir été entendus ; soulignons toutefois que le maintien de l’obligation d’adopter un organigramme risque aussi d’entraîner des lourdeurs administratives et de mobiliser des moyens humains qui pourraient être plutôt alloués à l’exercice de la mission première des intercommunales : nombre d’entre elles connaissent de multiples réorganisations en cours d’année pour répondre aux besoins du terrain, réorganisations qui impliqueraient des modifications incessantes d’outils tels que l’organigramme.
O. Mise en conformité des statuts (art. 74 à 76 décr. CDLD ; art. 40 à 42 décret L.O.)
Les dispositions statutaires qui seront contraires aux décrets seront abrogées. Le cadre et le statut général du personnel devront être mis en conformité avec les décrets au plus tard le 31 décembre 2025. Les décrets ne s’appliqueront pas aux procédures de recrutement, de promotion et de mobilité lancées avant leur entrée en vigueur.
Le commentaire des articles apporte des précisions intéressantes sur la situation à laquelle seront confrontées les autorités locales d’ici cette échéance de 2025. Nous avons jugé opportun de reproduire ce passage in extenso.
« Ces dispositions visent à aménager une implémentation de la présente réforme de manière à ne pas entraver le fonctionnement des services, compte tenu du fait que la présente réforme (décrétale mais également les recommandations qui seront intégrées dans la circulaire qui accompagnera le présent projet de décret) impliquera d’importantes réflexions en termes de gestion des ressources humaines.
Cet aménagement s’applique par exemple comme suit : si un pouvoir local procède en urgence à un engagement, et que les dispositions du présent projet de décret qui s’appliquent dans ce cas sont contraires aux dispositions du statut du pouvoir local, celui-ci peut procéder au recrutement en faisant application du projet de décret (norme supérieure au statut) mais tout en appliquant des dispositions du statut qui ne sont pas contraires au projet de décret (ex : l’octroi de l’échelle barémique lié à l’emploi). Dans la mesure où le pouvoir local applique à la fois ses dispositions du statut (non contraires au présent projet de décret) et les dispositions du présent projet de décret, il ne modifie pas le statut dans l’immédiat, et par conséquent, ne doit pas négocier ou concerter avec les organisations syndicales, ni solliciter l’approbation de l’autorité de tutelle.
Toutefois, ce système hybride ne peut perdurer indéfiniment, en sorte qu’un cadre et un statut général du personnel devront être mis totalement à jour au plus tard le 30 juin 2025 (NDLR : lire désormais 31 décembre 2025), soit après les élections et l’installation des nouvelles instances. Le personnel et leurs représentants doivent en effet disposer de textes clairs et définitifs qui contiennent leurs droits et devoirs.
Ceci n’empêche pas un pouvoir local de choisir de modifier son statut général du personnel dès l’entrée en vigueur du présent projet de décret et de se doter, directement, d’un statut directement conforme au présent projet de décret et clair »[17].
III. Conclusion
Le double objectif de rendre attractive la fonction publique locale pour les membres actuels et futurs du personnel local tout en en assurant la soutenabilité financière pour les employeurs locaux est un véritable défi.
Les décret commentés dans cette contribution sont le résultat d’un important travail de collaboration entre l’autorité régionale, les organisations syndicales et les représentants des employeurs locaux, ce que nous saluons.
Au moment d’écrire ces lignes, une circulaire était en voie de finalisation avec pour objectif d’illustrer les nouvelles dispositions portées par les décrets. Une compilation d’un ensemble de circulaires passées qui restent toujours d’actualité (notamment sur les congés et dispenses de services) sera également opérée par cette circulaire. Devrait également figurer un volet relatif à des mesures pour lesquelles l’autorité régionale a décidé de ne pas légiférer, mais souhaite uniquement formuler des recommandations, qui ne s’imposeront donc pas aux autorités locales, mais entendent permettre à celles qui le souhaitent de bénéficier de davantage de flexibilité dans la définition des carrières, aux fins d’assurer une plus grande attractivité de la fonction publique locale : nous aurons l’occasion d’y revenir lors d’une prochaine publication.
Dans l’attente de cette circulaire qui complètera utilement – sans force contraignante – la réforme que nous avons commentée, mentionnons qu’il s’agit ici, à notre estime, d’un premier pas dans le (bon) sens d’une réforme qui, à terme, se devra d’être plus globale.
Nous pensons en effet qu’une réforme encore plus en profondeur de la fonction publique locale wallonne s’avèrera rapidement indispensable pour être en adéquation avec les attentes des forces vives constituées par les destinataires des services publics en Wallonie, les contribuables qui les financent, les employeurs publics locaux qui les organisent et les agents qui les mettent en œuvre, en palliant sur le long terme l’écueil de l’accroissement exponentiel du coût des pensions du personnel statutaire.
Des mesures doivent être prises par l’autorité régionale dans le but d’évoluer vers un système plus performant, efficace, efficient et viable, dans un contexte où la solidarité fédérale n’est, à l’évidence, plus à l’ordre du jour.
Il convient en effet d’assurer à la fois la soutenabilité financière, pour les employeurs locaux et les contribuables, de la prise en charge des coûts du personnel et de la facture de ses pensions, et l’émergence d’un management plus dynamique permettant d’attirer et de conserver les talents, sachant que pour maintenir, voire augmenter la performance des agents, il faut reconnaître aux autorités locales la possibilité de prendre des mesures motivant les membres du personnel dont on requiert de plus en plus de compétence et de disponibilité.
Davantage de mesures devront être prises par l’autorité régionale pour encadrer la fonction publique locale avec pour objectif :
- d’attirer et garder un personnel qualifié et performant ;
- en assurant le maintien à jour de ses compétences au long de sa carrière ;
- en permettant une plus grande mobilité interne et externe au sein des pouvoirs locaux ;
- en garantissant l’indépendance de la fonction publique locale, la préservant des pressions politiques, et la continuité du service public ;
- en veillant à inverser durablement la tendance d’explosion des coûts découlant du financement des pensions publiques statutaires.
[1] Cotisation patronale ONSS de base de 23,07 %, déduction faite de 13,97 % des secteurs exclus (restent 3,80 % de cotisation AMI soins de santé ; 5,25 % de cotisation allocations familiales et 0,05 % de cotisation pour le FESC), à laquelle s’ajoutent une cotisation de 0,17 % pour les maladies professionnelles, 0,01 % pour le Fonds amiante, 6,20 % de modération salariale totale (5,67 % de la rémunération + 5,67 % des cotisations patronales dues) et 37,5 % de cotisation de pension patronale de base au Fonds de pension solidarisé.
[2] Cotisation patronale ONSS de base de 23,07 %, déduction faite de 1,30 % de secteurs exclus (1 % maladies professionnelles secteur privé, 0,30 % accidents du travail secteur privé), à laquelle s’ajoutent une cotisation de 0,17 % pour les maladies professionnelles secteur public, une cotisation de 0,01 % pour le Fonds amiante, 6,91 % de modération salariale totale (7,31 % si le régime de vacances appliqué est le régime privé), soit un total de 28,86 % (29,26 % en cas de modération salariale à 7,31 %). Notons en outre qu’une cotisation spéciale chômage de 1,60 % (portée à 1,69 % par application de la modération salariale de 5,67 % sur chaque cotisation patronale due) est due par chaque employeur occupant au minimum 10 travailleurs et appliquant le régime privé de vacances (pas applicable toutefois aux agents sous article 60 L.O. CPAS et aux contractuels engagés en remplacement d’agents en interruption de carrière).
[3] Pour davantage de détails, v. K. Van Overmeire et L. Mendola : « Financement des pensions statutaires locales : un changement de cap s’impose ! » - https://www.uvcw.be/personnel/articles/art-7805
[4] Fin 2022, on comptait 73 439 ETP contractuels sur 89 707 ETP au sein des communes, CPAS, associations chapitres XII, intercommunales et régies communales autonomes.
[5] Décret modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en ce qui concerne la fonction publique locale, Parl. W., Sess. ord. 2023-2024, 2.2.2024, 1607/1 (ci-après « décr. CDLD » ; décret modifiant la loi du 8.7.1976 organique des CPAS en ce qui concerne la fonction publique locale, Parl. W., Sess. ord. 2023-2024, 2.2.2024, 1608/1 (ci-après « décr. L.O. »).
[6] Décr. mod. le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en ce qui concerne la mise à la retraite des membres du personnel statutaire de la fonction publique locale, Parl. W., Sess. ord. 2023-2024, 10.1.2024, 1542/4, M.B., 27.2.2024.
[7] Décr. mod. la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale en ce qui concerne la mise à la retraite des membres du personnel statutaire de la fonction publique locale, Parl. W., Sess. ord. 2023-2024, 10.1.2024, 1543/4. M.B., 20.2.2024.
[8] « Par membres du personnel, l’on entend les membres du personnel statutaire et les membres du personnel contractuel. Le membre du personnel statutaire vise tout membre du personnel qui, par décision unilatérale de l'autorité, est nommé à titre temporaire ou à titre définitif, ou est admis en stage en vue d'une nomination à titre définitif.
Le membre du personnel contractuel vise tout membre du personnel engagé sous contrat de travail conformément à la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ».
[9] C’est-à-dire les titulaires d’un grade légal, dont le traitement est fixé par le CDLD/ la L.O. CPAS.
[10] Parl. W., o.c., 1607/7 ; 1608/8.
[11] E. Hannay, « La contractualisation de la fonction publique en Belgique » in Droit et contentieux de la fonction publique – 10 années d’actualité, EFE, Paris, 2013, p. 210.
[12] Au stade de l’avant-projet de décret : voy. Parl. W., o. c, 1608/1 p. 29, commentaire de l’article 20 initial.
[13] La séquence chronologique portée par l’art. 19 est la suivante : 1) déclaration de vacance 2) appel interne au sein du personnel statutaire 3) déroulement de l’examen de promotion 4) (le cas échéant) constatation qu’il n’y a aucun lauréat statutaire au terme de l’épreuve 5) appel au sein du personnel contractuel 6) déroulement de l’examen de promotion pour les contractuels.
[14] La mise d’agents contractuels à disposition d’utilisateurs tiers étant déjà encadrée par différents dispositifs (parfois de compétence fédérale) : L. 24.7.1987, art. 144bis NLC ; art. 60, § 7, de la L. organique des CPAS, art. 61 de la L. organique des CPAS, etc.
[15] Art. 76 décr. CDLD, et art. 42 décr. L.O.
[16] La création d’un comité de direction s’impose aussi aux associations chapitre XII : cf. nouvel art. 128/3 L.O.
[17] Doc. Parl. W. n°1607/1, p. 9 et 10.
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